De la rime
Une part de la poésie chinoise reste intraduisible : je veux parler des rimes, des assonances, du rythme et des règles de composition pour le moins complexes des poèmes. Leur rédaction obéit, en effet, à des règles formelles et précises qui créent une musicalité qui échappe malheureusement aux oreilles du lecteur occidental. Dans son ouvrage lumineux, L’écriture poétique chinoise, François Cheng en fait un exposé simple et clair (au chapitre "Les procédés actifs"). Par exemple, pour les rimes, un procédé qui nous est connu :
A l’exception du premier vers, qui peut éventuellement entrer en ligne de compte, la rime tombe toujours sur les vers pairs. Cela implique que les vers impairs ne sont pas rimés – c’est là un trait important de la poésie chinoise – créant ainsi une opposition structurelle de plus, entre vers pairs et vers impairs. Il n’y a pas de changement de rime à l’intérieur d’un lü-shih [un huitain régulier] ; une seule rime, de vers pair en vers pair, « parcourt » tout le poème. Ajoutons que, pour la rime, le poète doit choisir un mot au ton « plat », le ton le plus uni (et long) parmi les quatre tons que possède le chinois ancien. (L'écriture poétique chinoise, Editions du Seuil, p. 54)
Evidemment, ces règles de prosodie obligent à "entendre" le chinois. Les Japonais eux-mêmes ignorent la prononciation et le système tonal de cette langue. Le chinois n’est pour eux qu’une langue écrite. Je ne connais pas ou peu cet aspect, mais il semble que la poésie chinoise composée par des Japonais ait connu sa propre évolution et que ces règles soient plus ou moins suivies.
Dans le poème En réponse à une lettre de Ryôkan, on remarque que le mot "jour" 日 est répété à la fin du troisième et du septième vers, ce qui, d’un point de vue formel, est une erreur.
A noter que le quatrième et le huitième vers riment en chinois mais aussi visuellement, puisqu’à 旬 qui signifie "décade" (dans le poème 兩旬 = "deux décades") fait écho le mot 峋 (dans le poème 嶙峋 = "les pentes").
L'image de droite représente un moine portant le chapeau de bambou et le shakujô de sa main droite.
A l’exception du premier vers, qui peut éventuellement entrer en ligne de compte, la rime tombe toujours sur les vers pairs. Cela implique que les vers impairs ne sont pas rimés – c’est là un trait important de la poésie chinoise – créant ainsi une opposition structurelle de plus, entre vers pairs et vers impairs. Il n’y a pas de changement de rime à l’intérieur d’un lü-shih [un huitain régulier] ; une seule rime, de vers pair en vers pair, « parcourt » tout le poème. Ajoutons que, pour la rime, le poète doit choisir un mot au ton « plat », le ton le plus uni (et long) parmi les quatre tons que possède le chinois ancien. (L'écriture poétique chinoise, Editions du Seuil, p. 54)
Evidemment, ces règles de prosodie obligent à "entendre" le chinois. Les Japonais eux-mêmes ignorent la prononciation et le système tonal de cette langue. Le chinois n’est pour eux qu’une langue écrite. Je ne connais pas ou peu cet aspect, mais il semble que la poésie chinoise composée par des Japonais ait connu sa propre évolution et que ces règles soient plus ou moins suivies.
Dans le poème En réponse à une lettre de Ryôkan, on remarque que le mot "jour" 日 est répété à la fin du troisième et du septième vers, ce qui, d’un point de vue formel, est une erreur.
A noter que le quatrième et le huitième vers riment en chinois mais aussi visuellement, puisqu’à 旬 qui signifie "décade" (dans le poème 兩旬 = "deux décades") fait écho le mot 峋 (dans le poème 嶙峋 = "les pentes").
L'image de droite représente un moine portant le chapeau de bambou et le shakujô de sa main droite.
Mots-clés : poésie, Ryôkan, traductions
Imprimer | Articlé publié par Eric le 01 Juin 07 |
le 01/06/2007
Merci pour cette découverte de la poésie asiatique si étrangère à nôtre culture.
Si la règle de prosodie nécessite l'écoute du chinois, "l'évolution" de la poésie japonaise est-elle mue par une série d' erreurs dues à une mes-écoute ou à une grâce à une adaptation consciente et étudiée ou à un mélange de plusieurs facteurs ?
Existe-t-il des "tons" en japonais ?
Quelles différences majeures séparent les deux langues, ont-elles la même sensibilité ?
Je sais... ça fait beaucoup de questions...
Amitiés
Wilfried
PS: Ce shakujô devait être bien pratique mais terriblement bruyant à la longue... curieux pour ces nuages et eaux qui baignent dans le silence.
le 01/06/2007
Les deux langues sont très différentes, elles ne sont même pas issues du même groupe linguistique. Il n'y a pas par exemple de ton en japonais. Pourtant, au fil des siècles, les Japonais se sont nourri de la langue chinoise, langue culturelle et civilisatrice de l'Extrême-Orient. L'apprentissage du japonais est indissociable de l'étude du chinois - au moins parce qu'on utilise les caractères chinois à l'écrit.
Bonne journée!