Tu es ainsi, je suis ainsi
S’éveiller, c’est accéder à la non-dualité. S’égarer, c’est demeurer dans la dualité. Tel est le leitmotiv des Écritures bouddhistes.
La non-dualité (funi 不二, muni 無二) et ses synonymes, la non-obstruction (muge 無礙) et l’identité mutuelle (sōsoku 相即, terme que le maître vietnamien Thich Nhât Hânh traduit par inter-être), forment le cœur des enseignements des traditions bouddhistes d’Extrême-Orient, le zen tout particulièrement. Ce qui unit les choses par-delà toute conditionnalité ou causalité est l’ainséité (shinnyo 眞如, nyonyo 如如 qui rendent le sanskrit tathatā), une notion difficile à approcher puisqu’elle n’a aucun équivalent dans les traditions occidentales. Les traductions d’ailleurs hésitent : l’ainsité, l’ainséité, la telléité, la talité voire la siccéité ou la quiddité (!) selon les auteurs. L’ainséité est le fond indivisé, inaltérable et identique des phénomènes qui les fait être comme ils sont. Pour toutes ces traditions, le chemin se confond avec le dévoilement et la réalisation de l’ainséité.
L’inscription sur la foi (Shinjinmei), un célèbre poème de la tradition zen attribué à Sengcan, le troisième patriarche chinois, est une longue méditation sur ces thèmes. On peut notamment y lire ce quatrain :
眞如法界。無他無自。要急相應。唯言不二。
La sphère de l’Ainséité / est sans autrui ni soi. / Qui veut rapidement s’y conformer / ne peut que dire : non-deux.
Au XIIIe siècle, le maître zen Dōgen renouvelle le questionnement d’une façon originale, par la lecture décalée d’un célèbre kōan (sans doute le kōan qu'il commente le plus souvent) :
Nanyue visite Huineng, le sixième patriarche, qui lui demande : - D’où viens-tu ?
Nanyue répond :- De chez le maître national Songshan Huian.
Le maître lui demande encore : Qu’est-ce qui vient ainsi ?
Nanyue ne peut répondre à cette question et pendant huit ans il tente d’en comprendre la signification tout en pratiquant aux côtés du sixième patriarche. Au bout de huit ans finalement, il lui dit qu’il a compris.
Le sixième patriarche lui demande : - Qu’as-tu compris ?
- Si on explique quelque chose, alors on la rate.
- Alors, dépends-tu de la pratique et de la réalisation ?
- Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de pratique ni de réalisation mais les souiller, je ne le puis.
- Cette non-souillure est observée par tous les bouddhas. Tu es ainsi, je suis ainsi, jusqu’aux maîtres-patriarches de l’Inde qui étaient également ainsi.
Tu es ainsi, je suis ainsi : De texte en texte, cette phrase, tout particulièrement, est méditée par Dōgen comme le signe de l’absolu.
Dans les traditions religieuses et philosophiques occidentales, la rencontre est l’occasion de reconnaître l’altérité : Il y a un autre. Pour Dōgen, la rencontre permet, non de reconnaître l’altérité, mais l’ainséité : Il n’y a pas d’autre, ou plutôt l’autre co-participe d’une même sphère d'inconditionnalité. Oui, c’est déroutant.
La non-dualité (funi 不二, muni 無二) et ses synonymes, la non-obstruction (muge 無礙) et l’identité mutuelle (sōsoku 相即, terme que le maître vietnamien Thich Nhât Hânh traduit par inter-être), forment le cœur des enseignements des traditions bouddhistes d’Extrême-Orient, le zen tout particulièrement. Ce qui unit les choses par-delà toute conditionnalité ou causalité est l’ainséité (shinnyo 眞如, nyonyo 如如 qui rendent le sanskrit tathatā), une notion difficile à approcher puisqu’elle n’a aucun équivalent dans les traditions occidentales. Les traductions d’ailleurs hésitent : l’ainsité, l’ainséité, la telléité, la talité voire la siccéité ou la quiddité (!) selon les auteurs. L’ainséité est le fond indivisé, inaltérable et identique des phénomènes qui les fait être comme ils sont. Pour toutes ces traditions, le chemin se confond avec le dévoilement et la réalisation de l’ainséité.
L’inscription sur la foi (Shinjinmei), un célèbre poème de la tradition zen attribué à Sengcan, le troisième patriarche chinois, est une longue méditation sur ces thèmes. On peut notamment y lire ce quatrain :
眞如法界。無他無自。要急相應。唯言不二。
La sphère de l’Ainséité / est sans autrui ni soi. / Qui veut rapidement s’y conformer / ne peut que dire : non-deux.
Au XIIIe siècle, le maître zen Dōgen renouvelle le questionnement d’une façon originale, par la lecture décalée d’un célèbre kōan (sans doute le kōan qu'il commente le plus souvent) :
Nanyue visite Huineng, le sixième patriarche, qui lui demande : - D’où viens-tu ?
Nanyue répond :- De chez le maître national Songshan Huian.
Le maître lui demande encore : Qu’est-ce qui vient ainsi ?
Nanyue ne peut répondre à cette question et pendant huit ans il tente d’en comprendre la signification tout en pratiquant aux côtés du sixième patriarche. Au bout de huit ans finalement, il lui dit qu’il a compris.
Le sixième patriarche lui demande : - Qu’as-tu compris ?
- Si on explique quelque chose, alors on la rate.
- Alors, dépends-tu de la pratique et de la réalisation ?
- Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de pratique ni de réalisation mais les souiller, je ne le puis.
- Cette non-souillure est observée par tous les bouddhas. Tu es ainsi, je suis ainsi, jusqu’aux maîtres-patriarches de l’Inde qui étaient également ainsi.
Tu es ainsi, je suis ainsi : De texte en texte, cette phrase, tout particulièrement, est méditée par Dōgen comme le signe de l’absolu.
Dans les traditions religieuses et philosophiques occidentales, la rencontre est l’occasion de reconnaître l’altérité : Il y a un autre. Pour Dōgen, la rencontre permet, non de reconnaître l’altérité, mais l’ainséité : Il n’y a pas d’autre, ou plutôt l’autre co-participe d’une même sphère d'inconditionnalité. Oui, c’est déroutant.
Un extrait du film Zen, un biopic de la vie de Dōgen sorti en salles au Japon en 2009. (Baissez un peu le son).
Mots-clés : interdépendance, Dôgen, kôan, non-dualité
Imprimer | Articlé publié par Jiun le 07 Avr. 12 |