Sur cette photographie, le moine zen Kôdô Sawaki (1880-1965) porte un kesa, le vêtement du Bouddha, dans le style de la tradition nyohô reconnaissable à cette manière unique de tenir les deux coins du kesa dans la main gauche. Le nyohô est une tradition austère de vie monastique assez comparable à la tradition des moines de la forêt dans l'école Theravâda.

Nyohô signifie «conforme au dharma». Cette tradition est née sous l’impulsion d’un moine de l’école Shingon ritsu du nom de Jiun sonja (1718-1804) qui critiquait l’aspect sectaire et politique du bouddhisme de son époque. L'école Shingon ritsu est une petite école fondée au XIIIe siècle qui associe les pratiques tantriques (vajrayâna, jap. shingon) et la discipline monastique (vinaya, jap. ritsu).

Jiun pouvait écrire :

宗旨がたまりは地獄に墮するの種子。祖師びいきは慧眼を瞎するの毒藥。今時の僧徒多くは我慢偏執ありて、我祖は佛菩薩の化身なりと云ひ、天地の變陰陽の化をとりて、我祖師は不思議の神力なりと説き、愚癡の男女を誑す。佛説によるに、末法には魔力を興盛にして多くかくのごとき事ありと示し給ふ。若し眞正の道人ありて眞正の佛法を求めんと欲せば、唯だ佛在世を本とすべし。佛世には今の様なる宗旨はなかりき。

«Le culte des principes essentiels [de son école] est le germe d’une déchéance aux enfers. La préséance donnée à [son] fondateur est un poison aveuglant l’œil de la sagesse. Une grande partie du clergé [bouddhiste] d’aujourd’hui est suffisant et sectaire. Ils disent : «Notre fondateur est l’avatar d’un bouddha ou d’un bodhisattva.» Ils proclament : «Comme il a saisi les transformations du ciel et de la terre et les changements du yin et du yang, notre maître-patriarche [détenait] des pouvoirs surnaturels inconcevables.» Ils abusent les hommes et les femmes ignares. A l’époque de la fin du dharma, si l’on s’en réfère à que disait le Bouddha, les pouvoirs démoniaques prospèrent et de telles choses sont courantes. Si un authentique homme de la voie souhaite se mettre en quête d’un bouddhisme authentique, il ne doit considérer comme fondamental que l’époque où vivait le Bouddha. Au temps du Bouddha, les principes essentiels qui apparaissent aujourd’hui n’existaient pas.» («Le recueil des sermons de Jiun sonja», Jiun sonja Hôgôshû, p. 19)

La fidélité au dharma passait par un retour aux traditions indiennes par-delà les différences sectaires. Loin d’être un obscur moine, Jiun sonja a profondément marqué le bouddhisme moderne japonais, même s’il vécut la plus grande partie de sa vie dans de petits ermitages.

Ce style de vie monastique a été repris au début du XXe siècle par Kôdô Sawaki et Ekô Hashimoto, deux moines de l’école zen Sôtô, sans pour autant qu’ils se séparent ou qu’ils critiquent l’importance donnée au fondateur de leur école. Ils retenaient l’esprit sans compromis du moine qui l’obligeait à une pratique totale.
Peu de personnes aujourd’hui, au Japon, perpétuent ce style.

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