Les mots du zen : kakusoku
Dans son livret Shikantaza: An introduction to Zazen, Shôhaku Okumura écrit : « The essential thing in doing zazen is to awaken (kakusoku) from distraction and dullness. »
Au Japon, dans l’école zen, ce terme de kakusoku est devenu le mot clé par excellence, celui qui rend tout le propos de la méditation! Et l’on entend souvent la formule sibylline : «zazen (la méditation assise) est kakusoku.» Comme le terme est éminemment synthétique, il en devient quasi voire impossible à traduire. To awaken, «s’éveiller», est une traduction par défaut.
覺觸 kakusoku est composé de deux idéogrammes :
覺 kaku : s’éveiller, percevoir.
觸 soku/shoku : sentir, toucher.
Dans les textes bouddhistes traditionnels, les deux idéogrammes sont compris comme un verbe suivi d’un complément d’objet. Ils désignent la faculté du corps de pouvoir percevoir (kaku) par le contact physique (soku). Par exemple dans cette citation fort explicite :
眼能見色。耳能聞聲。鼻能嗅香。舌能嘗味。身能覺觸。
«L’œil peut voir les formes, l’oreille peut entendre les sons, le nez peut sentir les odeurs, la langue peut goûter les saveurs, le corps peut reconnaître (kaku) le contact (soku).»
L’expression qui appartient au vocabulaire de la psychologie bouddhiste ne se retrouve pas dans la littérature traditionnelle zen ; Dôgen ne l’utilise jamais, par exemple. En fait, le terme de kakusoku apparaît pour la première fois dans l’œuvre du maître zen japonais Keizan Jôkin (1268-1325), le successeur à la troisième génération de Dôgen. Il l’utilise comme un composé : les deux idéogrammes ne forment plus qu’un seul mot. Le sens que Keizan leur attribue demeure quelque peu ambigu, parfois il les utilise dans le sens de «éprouver, expérimenter, ressentir», parfois dans le sens de «s’éveiller, comprendre» (dans cette deuxième acception, le terme est clairement synonyme chez Keizan de daigo, «s’éveiller en grand», autrement dit réaliser la grande illumination). Dans un article consacré à la signification de ce terme dans l’école Sôtô, Kakuzen Suzuki, un disciple de Kôdô Sawaki, a remarqué que l’expression kakusoku se retrouve dans la biographie traditionnelle de Keizan. Selon cette biographie, le jeune Keizan aurait eu une intuition en lisant un passage du Sûtra du Lotus. Il se serait alors rendu dans la chambre de son maître pour lui rendre compte de sa compréhension. Le maître lui aurait répondu (en chinois dans l’original) :
欲究此事不得於些子覺觸取則。
Une phrase que l’on peut rendre par : «Si tu veux approfondir cette affaire, ne prends pas pour critère une petite perception (kakusoku).»
Chez Keizan, le terme de kakusoku ne désigne pas encore l’expérience de la méditation. Ce n’est qu’à l’époque moderne, que kakusoku devient synonyme de zazen.
Le terme condense la dimension éprouvée et physique de la méditation (sentir), mais également le dépassement de toute opposition duelle (s’éveiller). Kakusoku est l’acte de se libérer moment après moment de la pensée tout en demeurant dans l’expérience intégrative du corps et de l’esprit. Je ne trouve guère de traduction satisfaisante en français pour rendre ce terme. On remarquera d'ailleurs que Okumura le garde en japonais dans son texte anglais.
Au Japon, dans l’école zen, ce terme de kakusoku est devenu le mot clé par excellence, celui qui rend tout le propos de la méditation! Et l’on entend souvent la formule sibylline : «zazen (la méditation assise) est kakusoku.» Comme le terme est éminemment synthétique, il en devient quasi voire impossible à traduire. To awaken, «s’éveiller», est une traduction par défaut.
覺觸 kakusoku est composé de deux idéogrammes :
覺 kaku : s’éveiller, percevoir.
觸 soku/shoku : sentir, toucher.
Dans les textes bouddhistes traditionnels, les deux idéogrammes sont compris comme un verbe suivi d’un complément d’objet. Ils désignent la faculté du corps de pouvoir percevoir (kaku) par le contact physique (soku). Par exemple dans cette citation fort explicite :
眼能見色。耳能聞聲。鼻能嗅香。舌能嘗味。身能覺觸。
«L’œil peut voir les formes, l’oreille peut entendre les sons, le nez peut sentir les odeurs, la langue peut goûter les saveurs, le corps peut reconnaître (kaku) le contact (soku).»
L’expression qui appartient au vocabulaire de la psychologie bouddhiste ne se retrouve pas dans la littérature traditionnelle zen ; Dôgen ne l’utilise jamais, par exemple. En fait, le terme de kakusoku apparaît pour la première fois dans l’œuvre du maître zen japonais Keizan Jôkin (1268-1325), le successeur à la troisième génération de Dôgen. Il l’utilise comme un composé : les deux idéogrammes ne forment plus qu’un seul mot. Le sens que Keizan leur attribue demeure quelque peu ambigu, parfois il les utilise dans le sens de «éprouver, expérimenter, ressentir», parfois dans le sens de «s’éveiller, comprendre» (dans cette deuxième acception, le terme est clairement synonyme chez Keizan de daigo, «s’éveiller en grand», autrement dit réaliser la grande illumination). Dans un article consacré à la signification de ce terme dans l’école Sôtô, Kakuzen Suzuki, un disciple de Kôdô Sawaki, a remarqué que l’expression kakusoku se retrouve dans la biographie traditionnelle de Keizan. Selon cette biographie, le jeune Keizan aurait eu une intuition en lisant un passage du Sûtra du Lotus. Il se serait alors rendu dans la chambre de son maître pour lui rendre compte de sa compréhension. Le maître lui aurait répondu (en chinois dans l’original) :
欲究此事不得於些子覺觸取則。
Une phrase que l’on peut rendre par : «Si tu veux approfondir cette affaire, ne prends pas pour critère une petite perception (kakusoku).»
Chez Keizan, le terme de kakusoku ne désigne pas encore l’expérience de la méditation. Ce n’est qu’à l’époque moderne, que kakusoku devient synonyme de zazen.
Le terme condense la dimension éprouvée et physique de la méditation (sentir), mais également le dépassement de toute opposition duelle (s’éveiller). Kakusoku est l’acte de se libérer moment après moment de la pensée tout en demeurant dans l’expérience intégrative du corps et de l’esprit. Je ne trouve guère de traduction satisfaisante en français pour rendre ce terme. On remarquera d'ailleurs que Okumura le garde en japonais dans son texte anglais.
Mots-clés : éveil, Keizan, méditation, traductions
Imprimer | Articlé publié par Jiun Éric Rommeluère le 28 Sep. 09 |
le 07/09/2010
覺觸
kakusoku
En su libro Shikantaza: An introduction to Zazen, Shôhaku Okumura escribe «The essential thing in doing zazen is to awaken (kakusoku) from distraction and dullness.» [El asunto esencial al hacer zazen es despertar (kakusoku) de la distracción y el embotamiento.]
En Japón, en la escuela zen, el término kakusoku se ha convertido en la palabra clave por excelencia, ¡Aquel que da cuenta de todo el propósito de la meditación! Y se escucha a menudo la fórmula sibilina: «zazen (la meditación sentada) es kakusoku.» Como el término es eminentemente sintético, se convierte en casi imposible de traducir. To awaken, «despertarse», es una traducción por defecto.
覺觸 kakusoku está compuesto por dos ideogramas:
覺 kaku : despertarse, percibir.
觸 soku/shoku : sentir, tocar.
En los textos budistas tradicionales los dos ideogramas son comprendidos como un verbo seguido de un complemento de objeto. Designan la facultad del cuerpo de percibir (kaku) por el contacto físico (soku). Por ejemplo en esta cita muy explícita:
眼能見色。耳能聞聲。鼻能嗅香。舌能嘗味。身能覺觸。
«El ojo puede ver las formas, la oreja puede oír los sonidos, la nariz puede sentir los olores, la lengua puede gustar los sabores, el cuerpo puede reconocer (kaku) el contacto (soku).»
La expresión, que pertenece al vocabulario de la psicología budista, no se encuentra en la literatura tradicional zen; Dôgen, por ejemplo, no la utiliza nunca. De hecho el término kakusoku aparece por vez primera en la obra del maestro zen japonés Keizan Jôkin (1268-1325), sucesor en tercera generación de Dôgen. La utiliza como una palabra compuesta: los dos ideogramas no forman sino una única palabra. El sentido que Keizan le atribuye permanece un tanto ambiguo, a veces la utiliza en el sentido de “despertarse, comprender” (En esta segunda acepción el término es claramente un sinónimo en Keizan de daigo, “el gran despertar”, dicho de otra manera la gran iluminación). En un artículo consagrado a la significación de este término en la escuela Sôtô, Kakusen Suzuki, un discípulo de Kôdô Sawaki, ha señalado que la expresión kakusoku se encuentra en la biografía tradicional de Keizan. Según esta biografía el joven Keizan habría tenido una intuición leyendo un pasaje del Sûtra del Loto. Se habría dirigido entonces a la cámara de su maestro para darle cuenta de su comprensión. El maestro le habría respondido (en chino en el original):
欲究此事不得於些子覺觸取則。
Frase que se puede traducir por: «Si quieres profundizar este asunto no tomes por criterio una pequeña percepción (kakusoku).»
En Keizan el término kakusoku no designa todavía la experiencia de la meditación. No es sino en la época moderna que kakusoku se convierte en sinónimo de zazen.
El término condensa la dimensión experimentada y física de la meditación (sentir), pero igualmente el sobrepasar toda oposición dual (despertarse). Kakusoku es el acto de liberarse momento tras momento del pensamiento, permaneciendo a la vez en la experiencia integradora del cuerpo y del espíritu. No encuentro (en francés) demasiado traducible de forma satisfactoria este término. Se señalará por otra parte que Okumura lo mantiene en japonés en su texto en ingles.