Le premier et le second éveil
L’éveil est au cœur de la doctrine du Zen. On le présente sous deux aspects : d’abord, l’éveil en tant que méditation puis l’éveil en tant que compréhension.
Le processus même de la méditation est éveil : Il s’agit d’une présence, d’une ouverture inconditionnelles et ce saut dans l’inconditionnalité constitue précisément l’éveil. Mais ce premier éveil est encore englué par nos désirs, nos pensées, nos habitudes et nos conditionnements. Un second saut est nécessaire qui réalise jusqu’à la racine de nos os ce que nous sommes réellement. Ce second processus demande une longue période de maturation intérieure. Dôgen cite souvent comme exemples ceux des maîtres Xiangyan et Lingyun : le premier s’éveilla en entendant un caillou frapper un bambou, le second en contemplant des pêchers en fleurs.
À cette occasion, Lingyun composa une stance :
Depuis trente ans, j’étais pareil à celui qui cherche son sabre,
Combien de fois les feuilles sont-elles tombées, dénudant les branches ?
Il m’a suffi de voir les fleurs de pêchers
Pour n’avoir plus l’ombre de doute.
Comme Lingyun mit trente ans pour voir, il est traditionnel de dire que ce processus de maturation prend une trentaine d’années (comme dans la formule de Kôshô Uchiyama (1912-1998) : Pratiquez silencieusement dix ans, puis encore dix ans, puis encore une nouvelle fois dix ans et vous aurez alors un aperçu de la méditation.)
Dans cette vidéo prise il y a quelques jours, le vieux Gudô explique ces deux formes d’éveil.
Le maître de méditation Xiangyian Zhexian étudiait la Voie auprès du maître de méditation Dagui Dayuan, lorsque celui-ci lui dit : « Tu es brillant et instruit. Mais essaie donc, sans recourir à tes réminiscences de textes et de commentaires, de me dire un mot ou deux sur ce qui existait avant que ton père et ta mère ne soient nés ! »
Xiangyan tenta vainement de répondre. Il se prit d’une aversion profonde pour son corps et son esprit, et les recherches qu’il fit dans les ouvrages qu’il avait accumulés au fil des années ne firent qu’augmenter son désarroi. Enfin, allumant un feu, il y jeta tous ces ouvrages en déclarant : « L’image d’un gâteau de riz n’apaise point la faim ! Je fais le serment de ne plus chercher à comprendre la loi bouddhique en cette vie, et de me contenter de servir le riz aux moines ! » Et ainsi, pendant plusieurs années, il se consacra au service des repas. L’office de « moine chargé du riz » consistait à servir les repas de la communauté, et correspond, au Japon, à celui de serveur.
Xiangyan finit par dire : « Mon esprit est obscurci, et je ne parviens pas à répondre. Veuillez le faire pour moi ! » Dagui lui répondit : « Ce n’est pas que je te refuse de répondre. Je crains simplement que tu m’en tiennes rigueur par la suite. » Les mois et les années passèrent ainsi, et Xiangyan, à la recherche des vestiges du maître dynastique Dazheng Huizhong, se rendit au mont Wudang. Là, sur l’emplacement de l’ancien ermitage du maître dynastique, il se construisit une cabane de de paille. Il planta des bambous, et en fit ses compagnons. Un jour, comme il nettoyait le chemin, un caillou vola et alla frapper l’un de ceux-ci. Au bruit qu’il fit, Xiangyan réalisa soudain le grand éveil. Il prit un bain, se purifia, fit brûler de l’encens et se prosterna en direction du mont Dagui, déclarant à l’intention de Guishan : « Maître Dagui, si autrefois vous m’aviez expliqué, comment l’événement actuel aurait-il pu avoir lieu ? Votre bienveillance dépasse en profondeur celle d’un père et d’une mère ! » Il composa ensuite la strophe suivante :
D’un seul coup ont disparu savoir et connaissance !
Plus rien ne me reste à pratiquer ou contrôler :
Chacun de mes mouvements, chacun de mes actes, exalte le Chemin antique,
Et je n’ai plus de motifs de découragement.
Ne laissant nulle part aucune trace,
Mes attitudes majestueuses transcendent son et forme.
Tous ceux qui, en tout lieu, ont atteint la voie, nomment cela la fonction suprême ! »
(Dôgen, « Le son des vallées, les formes des montagnes », traduction Bernard Faure, La Vision immédiate, pp. 123-125)
Le processus même de la méditation est éveil : Il s’agit d’une présence, d’une ouverture inconditionnelles et ce saut dans l’inconditionnalité constitue précisément l’éveil. Mais ce premier éveil est encore englué par nos désirs, nos pensées, nos habitudes et nos conditionnements. Un second saut est nécessaire qui réalise jusqu’à la racine de nos os ce que nous sommes réellement. Ce second processus demande une longue période de maturation intérieure. Dôgen cite souvent comme exemples ceux des maîtres Xiangyan et Lingyun : le premier s’éveilla en entendant un caillou frapper un bambou, le second en contemplant des pêchers en fleurs.
À cette occasion, Lingyun composa une stance :
Depuis trente ans, j’étais pareil à celui qui cherche son sabre,
Combien de fois les feuilles sont-elles tombées, dénudant les branches ?
Il m’a suffi de voir les fleurs de pêchers
Pour n’avoir plus l’ombre de doute.
Comme Lingyun mit trente ans pour voir, il est traditionnel de dire que ce processus de maturation prend une trentaine d’années (comme dans la formule de Kôshô Uchiyama (1912-1998) : Pratiquez silencieusement dix ans, puis encore dix ans, puis encore une nouvelle fois dix ans et vous aurez alors un aperçu de la méditation.)
Dans cette vidéo prise il y a quelques jours, le vieux Gudô explique ces deux formes d’éveil.
Le maître de méditation Xiangyian Zhexian étudiait la Voie auprès du maître de méditation Dagui Dayuan, lorsque celui-ci lui dit : « Tu es brillant et instruit. Mais essaie donc, sans recourir à tes réminiscences de textes et de commentaires, de me dire un mot ou deux sur ce qui existait avant que ton père et ta mère ne soient nés ! »
Xiangyan tenta vainement de répondre. Il se prit d’une aversion profonde pour son corps et son esprit, et les recherches qu’il fit dans les ouvrages qu’il avait accumulés au fil des années ne firent qu’augmenter son désarroi. Enfin, allumant un feu, il y jeta tous ces ouvrages en déclarant : « L’image d’un gâteau de riz n’apaise point la faim ! Je fais le serment de ne plus chercher à comprendre la loi bouddhique en cette vie, et de me contenter de servir le riz aux moines ! » Et ainsi, pendant plusieurs années, il se consacra au service des repas. L’office de « moine chargé du riz » consistait à servir les repas de la communauté, et correspond, au Japon, à celui de serveur.
Xiangyan finit par dire : « Mon esprit est obscurci, et je ne parviens pas à répondre. Veuillez le faire pour moi ! » Dagui lui répondit : « Ce n’est pas que je te refuse de répondre. Je crains simplement que tu m’en tiennes rigueur par la suite. » Les mois et les années passèrent ainsi, et Xiangyan, à la recherche des vestiges du maître dynastique Dazheng Huizhong, se rendit au mont Wudang. Là, sur l’emplacement de l’ancien ermitage du maître dynastique, il se construisit une cabane de de paille. Il planta des bambous, et en fit ses compagnons. Un jour, comme il nettoyait le chemin, un caillou vola et alla frapper l’un de ceux-ci. Au bruit qu’il fit, Xiangyan réalisa soudain le grand éveil. Il prit un bain, se purifia, fit brûler de l’encens et se prosterna en direction du mont Dagui, déclarant à l’intention de Guishan : « Maître Dagui, si autrefois vous m’aviez expliqué, comment l’événement actuel aurait-il pu avoir lieu ? Votre bienveillance dépasse en profondeur celle d’un père et d’une mère ! » Il composa ensuite la strophe suivante :
D’un seul coup ont disparu savoir et connaissance !
Plus rien ne me reste à pratiquer ou contrôler :
Chacun de mes mouvements, chacun de mes actes, exalte le Chemin antique,
Et je n’ai plus de motifs de découragement.
Ne laissant nulle part aucune trace,
Mes attitudes majestueuses transcendent son et forme.
Tous ceux qui, en tout lieu, ont atteint la voie, nomment cela la fonction suprême ! »
(Dôgen, « Le son des vallées, les formes des montagnes », traduction Bernard Faure, La Vision immédiate, pp. 123-125)
Mots-clés : Dôgen, éveil, Gudô Nishijima
Imprimer | Articlé publié par Jiun Éric Rommeluère le 21 Fév. 09 |
le 21/02/2009
El primer y el segundo despertar
El despertar está en el corazón de la doctrina Zen. Se le presenta bajo dos aspectos; primero el despertar en tanto que meditación, después el despertar en tanto que comprensión.
El proceso mismo de la meditación es despertar: Se trata de una presencia, de una apertura incondicionales, y este salto en lo incondicional constituye precisamente el despertar. Pero este primer despertar está todavía enganchado por nuestros deseos, nuestros pensamientos, nuestros hábitos y nuestros condicionamientos. Un segundo salto es necesario, realizando hasta la raíz de nuestros huesos aquello que realmente somos. Este segundo salto demanda un largo periodo de maduración interior. Dôgen cita a menudo como ejemplos a estos dos maestros; Xiangyan y Lingyun. El primero se despertó escuchando una piedra golpear a un bambú, el segundo contemplando los melocotoneros en flor.
En esa ocasión Lingyun compuso un poema:
Tras treinta años era parecido a aquel que busca su sable
¿Cuantas veces han caído las hojas desnudando las ramas?
Me ha bastado ver las flores de los melocotoneros
Para no tener más sombra de duda.
Como Lingyun puso treinta años para ver es tradicional decir que este proceso de maduración toma treinta años (como en la fórmula de Kôshô Uchiyama 1912-1998): Practicad silenciosamente diez años, después todavía diez años, después todavía diez años de nuevo y tendréis entonces una apreciación por encima de la meditación.)
El maestro de meditación Xiangyian Zhexian estudiaba la vía cerca del maestro de meditación Dagui Dayuan, cuando este le dijo; “Eres brillante e instruido, pero intenta, sin recurrir a tus recuerdos de textos y comentarios, decirme una palabra o dos sobre aquel que existía antes de que tu padre y tu madre hubieran nacido”
Xiangyan intento vanamente responder. Cogió una aversión profunda por su cuerpo y su espíritu y las búsquedas que hizo en las obras que había acumulado al hilo de los años no hicieron más que aumentar su malestar. Finalmente, encendiendo un fuego, arrojó todas sus obras, declarando: “La imagen de un pastel de arroz no apacigua en nada el hambre. Hago el juramento de no buscar más comprender la ley budista en esta vida y contentarme con servir arroz a los monjes” Y así, durante muchos años, se consagró a servir comidas. El oficio del “monje encargado del arroz” consiste en servir las comidas de la comunidad y corresponde, en Japón, al de servidor.
Xiangyan terminó por decir: “Mi espíritu está oscurecido y no consigo responder. ¿Queréis hacerlo por mi?” Dagui le respondió: “No es que rechace responder, temo simplemente que a continuación me odiases por ello” Los meses y los años pasaron así y Xiangyan, a la búsqueda de los vestigios del maestro dinástico Dazheng Huizhong se dirigió al monte Wudang. Allí, sobre el emplazamiento de la antigua ermita del maestro dinástico, construyo una cabaña de paja. Plantó bambúes y los hizo sus compañeros. Un día, cuando limpiaba el camino, un guijarro voló y fue a golpear uno de estos. Ante el ruido que hizo Xiangyan realizo repentinamente el gran despertar. Tomó un baño, se purificó, hizo arder incienso y se prosternó en dirección del monte Dagui declarando en honor de Guishan: “Maestro Dagui, si antaño me hubieseis explicado, ¿como habría podido ocurrir el actual suceso” Vuestra bondad sobrepasa profundamente la de un padre y y una madre” compuso a continuación la siguiente estrofa:
De un solo golpe han desaparecido saber y conocimiento
Ya nada me queda por practicar o controlar.
Cada uno de mis movimientos, cada uno de mis actos, exalta el antiguo camino,
Y no tengo ya más motivos de desaliento.
No dejando en ninguna parte ningún rastro,
Mis actitudes majestuosas trascienden sonido y forma.
Todos aquellos que, en cualquier lugar, han alcanzado la vía nombran a esto la función superior”
(Dôgen, “El sonido de los valles, la forma de las montañas” Traducido al francés por Bernard Faure, “La visión inmédiate”, Ed. Le Mail)