Le mariage homosexuel
Avec un peu de retard, ma réponse à cette étudiante :
En quelques lignes, la réponse ne peut être que trop simple. La question suppose que le bouddhisme possèderait des structures de pensée analogues à celles d’autres traditions religieuses en matière de morale, de justice et de droit. Ce sont ces présupposés qui devraient tout d’abord être questionnés.
Disons déjà qu’à la différence des traditions du Livre, les traditions bouddhistes ne proposent pas de se conformer à des valeurs transcendantes extérieures au monde comme le bien ou le mal. Ses principes éthiques ne sont donc pas des normes extérieures qui s’imposeraient à chacun comme des lois. C’est un point essentiel à retenir. Qui plus est, ces traditions séparent clairement une morale sociale qui régit les groupes humains et qui définit le licite et l’illicite au sein de ses groupes et une morale bouddhiste qui est toujours personnelle. Il s’agit d’une morale d’engagement qui n’a qu’un seul propos : l’éveil. Elle n’entend pas régir le collectif, encore moins "les mœurs".
Pour les bouddhistes, l’homosexualité ne peut pas être une question morale (une sexualité contre-nature supposerait une nature de l’homme). La légalisation du mariage homosexuel ou de l’homoparentalité ressort du seul domaine du droit civil, on peut y répondre en tant que citoyen, non en tant que bouddhiste.
Bien entendu, chaque homme et chaque femme se trouvent engagés dans différentes sphères qu’elles soient personnelle, interrelationnelle, sociale ou politique. Etre bouddhiste n’implique nullement un rejet de ces sphères. Certaines valeurs sociales paraîtront plus ou moins compatibles avec le bouddhisme, et un bouddhiste pourra appuyer tel ou tel projet ou discours. En ce qui concerne l’homosexualité, la défense ou la tolérance semblent plus dépendre de valeurs culturelles car d’une manière générale, le bouddhisme est resté muet sur le sujet. Certaines sociétés bouddhistes d’Extrême-orient où les valeurs patriarcales sont encore dominantes rejetteraient sans doute largement le mariage homosexuel ou l’homoparentalité, une nouvelle configuration de la famille liée à l’évolution des mœurs en Occident (droit à la sexualité, puis droit des homosexuels). Les bouddhistes occidentaux seront sans doute plus tolérants à cet égard.
En quelques lignes, la réponse ne peut être que trop simple. La question suppose que le bouddhisme possèderait des structures de pensée analogues à celles d’autres traditions religieuses en matière de morale, de justice et de droit. Ce sont ces présupposés qui devraient tout d’abord être questionnés.
Disons déjà qu’à la différence des traditions du Livre, les traditions bouddhistes ne proposent pas de se conformer à des valeurs transcendantes extérieures au monde comme le bien ou le mal. Ses principes éthiques ne sont donc pas des normes extérieures qui s’imposeraient à chacun comme des lois. C’est un point essentiel à retenir. Qui plus est, ces traditions séparent clairement une morale sociale qui régit les groupes humains et qui définit le licite et l’illicite au sein de ses groupes et une morale bouddhiste qui est toujours personnelle. Il s’agit d’une morale d’engagement qui n’a qu’un seul propos : l’éveil. Elle n’entend pas régir le collectif, encore moins "les mœurs".
Pour les bouddhistes, l’homosexualité ne peut pas être une question morale (une sexualité contre-nature supposerait une nature de l’homme). La légalisation du mariage homosexuel ou de l’homoparentalité ressort du seul domaine du droit civil, on peut y répondre en tant que citoyen, non en tant que bouddhiste.
Bien entendu, chaque homme et chaque femme se trouvent engagés dans différentes sphères qu’elles soient personnelle, interrelationnelle, sociale ou politique. Etre bouddhiste n’implique nullement un rejet de ces sphères. Certaines valeurs sociales paraîtront plus ou moins compatibles avec le bouddhisme, et un bouddhiste pourra appuyer tel ou tel projet ou discours. En ce qui concerne l’homosexualité, la défense ou la tolérance semblent plus dépendre de valeurs culturelles car d’une manière générale, le bouddhisme est resté muet sur le sujet. Certaines sociétés bouddhistes d’Extrême-orient où les valeurs patriarcales sont encore dominantes rejetteraient sans doute largement le mariage homosexuel ou l’homoparentalité, une nouvelle configuration de la famille liée à l’évolution des mœurs en Occident (droit à la sexualité, puis droit des homosexuels). Les bouddhistes occidentaux seront sans doute plus tolérants à cet égard.
Mots-clés : homosexualité
Imprimer | Articlé publié par Eric le 25 Mars 07 |
le 26/03/2007
Cher Eric,
L'étudiante vous pose une question précise concernant le mariage et le droit à l'adoption des homosexuels. Très justement vous lui répondez, avec des précautions et une prudence bien justifiée, que l'enseignement du Bouddha Shakyamuni ne relève pas des valeurs morales ordinaires, ne se réfère pas aux notions de bien et de mal des grandes religions sémitiques dont la bible est le socle, qu'il ne saurait non plus s'attarder sur des jugements péremptoires quand il s'agit de considérer les motivations des actes humains. Le bouddhisme est avant tout compassion (le coeur) et tolérance (le regard vaste). Il propose une voie juste, profondément éprouvée par une pratique d'instant en instant, une pratique s'appuyant sur l'effort, l'observation et l'attention permettant peu à peu de se libérer des conditionnements innombrables qui nous aveuglent et nous maintiennent dans l'ignorance (voie progressive). Le Bouddha et tous les maîtres de la transmission n'ont eu de cesse de propager l'esprit d'éveil, l'urgence de l'éveil, et peu leur importaient qu'ils aient affaire à des criminels, des voleurs, des hétérosexuels ou des homosexuel. Ils voyaient en chaque être humain un trésor inestimable. Ils furent, et sont toujours, le lieu d'une expérimentation hors normes, intraduisible hors de cette pratique corps/esprit qui se réalise à partir de "l'assise méditante". Afin de guider les pas de ses nombreux disciples, d'accorder ces précieux instruments "qui résonnaient plus ou moins justes, le Bouddha leur a fait don des paramitas (expression de son grand éveil), c'est à dire d'un code de sagesse assez semblable, de prime abord, aux dix commandements (révélation divine) que Moïse imposa au peuple élu. Dans le premier cas, le bouddha s'expose à ses disciples en tant qu'exemple vivant d'une conduite naturelle et sans contrainte qu'il nous propose d'expérimenter et de méditer tandis que dans le second, Moïse grave une loi dans la pierre (les tables) que son peuple doit suivre sous peine de subir le châtiment terrible de Jahve. Ainsi, le bouddhisme n'impose aucune solution toute faite, chacun dispose de son entendement particulier selon son ouverture de conscience. En cela réside l'inépuisable sagesse de cet enseignement. Pour un laïque, le fait d'être homosexuel ne devrait pas être un obstacle à la pratique dans la mesure où il réalise la paramita qui préconise une juste sexualité (ne pas faire souffrir le conjoint ou l'amant...).
Par contre, sur le mariage homosexuel et l'adoption d'enfants par des couples homos, un phénomène prenant à mon goût des proportions exagérées dans la civilisation occidentale contemporaine, tout porte à penser que le Bouddha n'aurait été ni pour ni contre. Comment aller contre un phénomène de société qui se propage tel une vague puissante et inconsciente? A-t-on réellement besoin du mariage pour s'aimer. A-t-on besoin d'un prêtre ou de signatures administratives pour s'épouser? On peut évidemment accepter ces jeux de conventions symboliques dans la mesure où ils ne nuisent pas de manière intempestive aux communautés humaines qui en font des usages et des règles de vie. Qu'aurait dit le Bouddha à propos de l'adoption d'enfants par des couples d'un même sexe? Sur ce point, je donne ma langue au chat. Qui est la Mère? Qui est le Père? Y-a-t' il besoin d'un père et d'une mère? Même les psy ne sont pas d'accord à ce sujet. Il se pourrait qu'un amour désintéressé suffise pour que des enfants adoptés dans ce cas de figure particulier s'épanouissent autrement mieux que des enfants bafoués, battus, violés, négligés... Nous ne pouvons pas préjuger de ce qui adviendra... Une fois de plus l'expérience prévaudra et nous enseignera. Ne nous bornons pas au seul champs de notre expérience empirique. Je ne sais pas: seulement un sourire bienveillant.
André
le 27/03/2007
Votre réponse est incontestablement juste. Elle fait le point sur les positions bouddhistes en matière de sexualité et de conventions sociales, à travers celle du mariage.
Mais ne pourrait-on pas proposer une réponse plus dynamique, une réponse qui susciterait la réflexion et inviterait le lecteur à mêler une part de valeur bouddhiste à son propre questionnement ?
Je me permet de proposer quelques pistes :
– On pourrait par exemple souligner que ce débat ne porte que sur des valeurs et des conceptions sociales,à savoir : le mariage, la parenté, l'éducation des enfants, la différence entre les sexes. Les définitions de ces notions ont variées dans le temps, ce qui prouve qu'elles peuvent encore changées.
Une conception bouddhiste de ce débat pourrait par exemple être d'accepter que ces valeurs puissent encore changer, et même de vouloir qu'elles changent pour rendre les hommes heureux dans la société telle qu'elle est effectivement (et pas telle que les hommes voudraient qu'elle soit).
– La morale bouddhiste (si tant est qu'il y en ait une) est tout à fait sommaire. Mais son but n'est pas de régir les relations entre les hommes mais plutôt de proposer une manière correcte de vivre dans la perspective de l'éveil, ou du moins de la recherche de la libération. Alors peut-être peut-on rappeler, que chacun peut et doit construire sa propre vie.
Pourquoi les opposants veulent-ils imposer aux autres les valeurs de leur propre vie et pourquoi les homosexuels voudraient-ils suivre la voie d'autres personnes, alors qu'ils pourraient tracer leur propre chemin, créer leur propre existence qui serait tout à fait inédite dans l'histoire de l'humanité... comme d'ailleurs tout existence l'ait !
Comprenez bien qu'au fond, ce débat sur le mariage homosexuel ne m'intérresse pas beaucoup, même si je suis homosexuel. En fait, je réfléchis à haute voix sur une façon bouddhiste de participer activement aux débats sociaux et politiques, sans chercher à défendre des valeurs bouddhistes, ce qui me semble être un contresens, mais plutôt en aidant les hommes à se libérer, à éviter la confrontation, en aidant le débat à aboutir.
Mais ce n'est qu'un coup d'essai, mes propres opinions doivent encore être bien affinées ! :-)