Je ne pratique même pas les saintes vérités
Roberto Poveda me demande une lecture détaillée lexicale et grammaticale du chinois du célèbre dialogue entre Huineng, le sixième patriarche, et son successeur Qingyuan. Ce dialogue est abondamment cité dans la tradition Caodong/Sôtô qui fait remonter sa lignée jusqu’à Qingyuan. Il est notamment mentionné dans le Wanshiroku, le Shôyôroku, le Keitoku dentôroku, le Shôbôgenzô, le Eihei kôroku et le Denkôroku.
Je reprends la version du Shinji shôbôgenzô, le recueil de kôan compilés par Dôgen, avec la lecture sino-japonaise telles qu'elles sont données par Gudô Nishijima dans son livre Les quatre joyaux du maître zen Dôgen (1990, p. 184-185). Elle présente quelques variantes de caractères mais qui ne modifient pas le sens. Seule la dernière phrase s’écarte de la version commune.
Version originale : 青原問能大師。當何所務不墮階級。祖云。汝嘗作什麼來。師云。聖諦亦不爲。祖云 。落何階級。師云。聖諦尚不作。何階級之有。祖云。如是如是。汝善護持。
Lecture sino-japonaise : 青原、能大師に問う、當に何の所務か階級に墮さざるべき。祖云く、汝、嘗て什麼をか作し來たる。師云く、聖諦も亦た爲さず。祖云く、何の階級にか落ちん。師云く、聖諦すら尚お作さず、何の階級か之れ有らん。祖云く、如是、如是、汝、善く護持すべし。
Soit phrase après phrase :
青原問能大師。«Qingyuan demanda au Grand Maître Neng :»
Neng est pour Huineng. Il est d’usage d’abréger le nom en ne gardant que le second caractère.
當何所務不墮階級。«Quelle activité ne sombrera pas dans les degrés [de l’éveil] ?»
所務, «travail, activité» avec l’idée que l’activité implique un effort et un but, on pourrait également traduire par «peine» ou «labeur».
階級, «degré», un terme du vocabulaire bouddhiste, les différentes étapes qui mènent le bodhisattva à l’état de Bouddha, on en compte ordinairement cinquante-deux ; en japonais moderne, le terme a le sens de rang ou de grade.
Le verbe 墮, ici a la forme négative 不墮, signifie «tomber, périr» (synonyme 落).
L’adverbe 當 lu comme le fait Nishijima masani + verbe + beshi a le sens de «il faut, il convient de + verbe ». À noter que dans sa version du Eihei kôroku, Manzan lit la phrase 當に何の所務か、即ち階級に落ちざる。Il comprend 當 comme un adverbe anticipateur. Je suis sa lecture avec une forme au futur.
祖云。«Le patriarche répondit : »
Dans un dialogue, le verbe 云 «dire» équivaut à nos guillemets.
汝嘗作什麼來。«Qu’as-tu fait ?»
Une forme vulgaire. 作什麼, «que fais-tu ? ». Le pronom 汝 «tu». L’adverbe 嘗 indique un temps passé. 來 est un suffixe verbal.
師云。«Le maître : »
聖諦亦不爲。«Je ne pratique même pas les saintes vérités.»
聖諦, «les saintes vérités» autrement dit les principes du bouddhisme. 亦不爲, «je ne pratique même pas».
祖云 。«Le patriarche : »
落何階級。«Dans quel degré tombes-tu ?»
Le verbe 落 «tomber» est synonyme de 墮.
師云。«Le maître : ».
聖諦尚不作。«Je ne pratique ne serait-ce les saintes vérités,»
尚, «même pas, ne serait-ce.»
何階級之有。»Quel degré y aurait-il ?»
祖云。«Le patriarche:»
如是如是。«Oui, c’est cela.»
汝善護持。«Gardes-le bien.»
Toute suggestion ou amélioration bienvenue.
Je reprends la version du Shinji shôbôgenzô, le recueil de kôan compilés par Dôgen, avec la lecture sino-japonaise telles qu'elles sont données par Gudô Nishijima dans son livre Les quatre joyaux du maître zen Dôgen (1990, p. 184-185). Elle présente quelques variantes de caractères mais qui ne modifient pas le sens. Seule la dernière phrase s’écarte de la version commune.
Version originale : 青原問能大師。當何所務不墮階級。祖云。汝嘗作什麼來。師云。聖諦亦不爲。祖云 。落何階級。師云。聖諦尚不作。何階級之有。祖云。如是如是。汝善護持。
Lecture sino-japonaise : 青原、能大師に問う、當に何の所務か階級に墮さざるべき。祖云く、汝、嘗て什麼をか作し來たる。師云く、聖諦も亦た爲さず。祖云く、何の階級にか落ちん。師云く、聖諦すら尚お作さず、何の階級か之れ有らん。祖云く、如是、如是、汝、善く護持すべし。
Soit phrase après phrase :
青原問能大師。«Qingyuan demanda au Grand Maître Neng :»
Neng est pour Huineng. Il est d’usage d’abréger le nom en ne gardant que le second caractère.
當何所務不墮階級。«Quelle activité ne sombrera pas dans les degrés [de l’éveil] ?»
所務, «travail, activité» avec l’idée que l’activité implique un effort et un but, on pourrait également traduire par «peine» ou «labeur».
階級, «degré», un terme du vocabulaire bouddhiste, les différentes étapes qui mènent le bodhisattva à l’état de Bouddha, on en compte ordinairement cinquante-deux ; en japonais moderne, le terme a le sens de rang ou de grade.
Le verbe 墮, ici a la forme négative 不墮, signifie «tomber, périr» (synonyme 落).
L’adverbe 當 lu comme le fait Nishijima masani + verbe + beshi a le sens de «il faut, il convient de + verbe ». À noter que dans sa version du Eihei kôroku, Manzan lit la phrase 當に何の所務か、即ち階級に落ちざる。Il comprend 當 comme un adverbe anticipateur. Je suis sa lecture avec une forme au futur.
祖云。«Le patriarche répondit : »
Dans un dialogue, le verbe 云 «dire» équivaut à nos guillemets.
汝嘗作什麼來。«Qu’as-tu fait ?»
Une forme vulgaire. 作什麼, «que fais-tu ? ». Le pronom 汝 «tu». L’adverbe 嘗 indique un temps passé. 來 est un suffixe verbal.
師云。«Le maître : »
聖諦亦不爲。«Je ne pratique même pas les saintes vérités.»
聖諦, «les saintes vérités» autrement dit les principes du bouddhisme. 亦不爲, «je ne pratique même pas».
祖云 。«Le patriarche : »
落何階級。«Dans quel degré tombes-tu ?»
Le verbe 落 «tomber» est synonyme de 墮.
師云。«Le maître : ».
聖諦尚不作。«Je ne pratique ne serait-ce les saintes vérités,»
尚, «même pas, ne serait-ce.»
何階級之有。»Quel degré y aurait-il ?»
祖云。«Le patriarche:»
如是如是。«Oui, c’est cela.»
汝善護持。«Gardes-le bien.»
Toute suggestion ou amélioration bienvenue.
Mots-clés : kôan, Shôbôgenzô, traductions
Imprimer | Articlé publié par Jiun Éric Rommeluère le 01 Août 10 |
le 17/08/2010
Ni siquiera practico la verdad suprema
R.P. Me pide una lectura detallada, lexical y gramatical, del chino del célebre dialogo entre Huineng, el sexto patriarca, y su sucesor Qingyuan (jap. Seigen). Este dialogo es citado abundantemente en la tradición Caodong/Sôtô, la cual hace remontar su linaje hasta Qingyuan. Está mencionado particularmente en el Wanshiroku, el Shôyôroku, el Keitoku Dentôroku, el Shôbôgenzô. el Eihei kôroku y el Denkôroku.
Retomo la versión del Shinji Shobogenzo, la recopilación de koan compilados por Dôgen, con la lectura sino-japonesa, tal como es establecida por Gudo Nishijima en su libro "Las cuatro Joyas del maestro zen Dôgen" (1990, p. 184-185). Esta versión presenta algunas variantes de caracteres que no modifican el sentido. Solo la última frase se separa de la versión común.
Versión original: 青原問能大師。當何所務不墮階級。祖云。汝嘗作什麼來。師云。聖諦亦不爲。祖云 。落何階級。師云。聖諦尚不作。何階級之有。祖云。如是如是。汝善護持。
Lectura sino.japonesa: 青原、能大師に問う、當に何の所務か階級に墮さざるべき。祖云く、汝、嘗て什麼をか作し來たる。師云く、聖諦も亦た爲さず。祖云く、何の階級にか落ちん。 師云く、聖諦すら尚お作さず、何の階級か之れ有らん。祖云く、如是、如是、汝、善く護持すべし。
Frase a frase:
青原問能大師。«Qingyuan pregunta al Gran Maestro Neng: “¿Qué actividad no se hundirá en los niveles [del despertar]?”
當何所務不墮階級。"Qué actividad no se hundirá en los niveles [del despertar]?”
所務, “trabajo, actividad”, con la idea de que la actividad implica un esfuerzo y un fin, se podría traducir igualmente por “esfuerzo”.
階級, “grado”, un término del vocabulario budista, las diferentes etapas que llevan al bodhisattva al estado de Buda, se cuentan ordinariamente cincuenta y dos: en japones moderno el término tiene el sentido de rango o de grado.
El verbo 墮, tiene aquí forma negativa 不墮, significa “caer, hundirse” (sinónimo de 落).
El adverbio 當 leido como lo hace Nishijima masani+verbo+beshi tiene el sentido de “es necesario/conveniente + verbo.” A señalar que en su versión del Eihei kôroku, Manzan en la frase 當に何の所務か、即ち階級に落ちざる。Entiende 當 como un adverbio anticipador. Yo sigo su lectura con una forma en futuro.
祖云。«El patriarca responde:»
En un dialogo, el verbo 云, "decir” , equivale a nuestras comillas.
汝嘗作什麼來。«¿Qué haces tu?»
Una forma vulgar. 作什麼, “¿qué haces?”. El pronombre 汝 "tu”. El adverbio 嘗 indica un tiempo pasado. 來 es un sufijo verbal.
師云。«El maestro:»
聖諦亦不爲。«Yo ni siquiera practico las santa verdades.»
聖諦, «las santas verdades”, dicho de otra manera, los principios del budismo.
亦不爲, «Yo ni siquiera practico”
祖云 。«El patriarca:»
落何階級。«¿En que nivel has caido?»
El verbo 落 «caer» es sinonimo de 墮.
師云。«El maestro:»
聖諦尚不作。"Yo no practico siquiera las santas verdades”
尚, “ni siquiera”
何階級之有。«¿Qué nivel habría ahí?»
祖云 。«El patriarca:»
如是如是。«Sí, es eso»
汝善護持。"Protégela bien”
La traducción completa del diálogo: Esta parte, con la versión completa, no existe en el post original de Eric en francés. En ella introduzco algunas variaciones propias para darle, desde mi punto de vista, una mayor claridad a la versión en castellano.
-El patriarca responde: “¿Qué práctica haces tu?”
-El maestro: “Ni siquiera practico las santas verdades.”
-El patriarca: “¿En qué nivel has caido?”
-El maestro: "Ni siquiera practico la verdad suprema. ¿Qué nivel podría haber ahí?”
-El patriarca: “¡Sí, así es!, Protégela bien”»