En 1988, je fis ma première retraite de méditation au Japon au monastère zen de Zuiôji qui se trouve dans l’île de Shikoku. Je me souviendrais toujours du premier repas servi dans la retraite. Au menu : juste du riz et des pommes de terre cuites à l’eau. Sans doute que le cuisinier n’avait rien d’autre ce jour-là. C’était horrible, les moines japonais mangent très vite et à peine avais-je commencé qu’ils avaient déjà fini leur bol. J’avais eu droit à une grande plâtrée et plus je mâchais, moins j’arrivais à ingurgiter. En attendant que je termine de manger, les moines s’étaient mis à méditer, mais je sentais bien qu’ils souriaient tous du coin de l’œil. Ah, ces étrangers, se disaient-ils sûrement!

Quelques temps après, je fis ma seconde retraite de méditation au Japon au monastère pour femmes de Nagoya. Je me souviendrais toujours du premier repas qui ressemblait plus à une dégustation gastronomique qu’à un repas zen tel qu’on l’imagine, plutôt frugal. On mangeait dans la salle de méditation de façon traditionnelle, assis les jambes croisées sur de longues estrades, mais les plats défilaient, tous plus raffinés les uns que les autres.

La pratique du dharma va à rebours de tous nos fonctionnements ordinaires, toujours dictés par nos désirs et nos préférences personnelles. L’étudiant de la voie pratique l’acceptation inconditionnelle. C’est succulent, parfait! C’est raté, parfait! Il n’y a que trois sortes d’ingrédients qu’il ne consomme pas : les compulsions, les frustrations, les illusions, tout ce qui se compose nos menus quotidiens, mais il le sait, le cuisinier lui a préparé bien d’autres choses.

Photographie : la salle de méditation du monastère de Zuiôji, reconnaissable entre toutes. C’est le seul temple au Japon où l’on suspend les bols à une baguette de bambou pour les faire sécher.


 

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