J’échange en ce moment avec Dokushô Villalba qui enseigne le Zen en Espagne et que je connais maintenant depuis plus de trente ans. Dokushô a mis au point un programme de formation de prêtres sôtô zen qui débutera en juillet 2009 et qui se terminera en août 2012. Vous trouverez toutes les informations détaillées ici (en français). Ceux qui suivront ce programme prendront d’abord des voeux de novice et durant trois ans embrasseront une vie monastique selon les règles traditionnelles zen mais adaptées au monde contemporain. À la fin des trois ans, les novices recevront l’ordination complète qui pourra être soit de prêtre moine (qui implique le célibat) soit de prêtre laïque. Je me demande combien de personnes suivront ce programme car rien aujourd’hui ne facilite ce genre de démarche. L’initiative est ambitieuse et intéressante.

Elle pose la question de la forme de l’apprentissage du Zen dans le monde contemporain mais également la question des engagements et des vœux.

J’ai reçu les préceptes du Grand Véhicule qu’on appelle les préceptes de bodhisattva. Dans les écoles japonaises, y compris dans le Zen, on distingue les moines-bodhisattvas qui suivent une règle monastique (chasteté et vie communautaire) des laïcs-bodhisattvas qui ont une vie sociale et familiale. Évidemment je ne peux me qualifier de moine. Je ne vis pas dans une communauté ni n’ai fait de vœu de chasteté. Je trouve abusif l’usage que l’on fait parfois dans certaines communautés zen occidentales du terme de “moine”, puisque le plus souvent, les dits “moines” mènent une vie complètement laïque et ne suivent pas de règle. En ce sens, le programme de Dokushô lève les ambiguïtés et les confusions en reprenant les anciennes formes traditionnelles.

Je ne me considère pas plus comme un laïc car toute ma vie est fondée sur le dharma, je n’ai ni famille ni ne poursuis de carrière sociale. Comme Shinran (1173-1263), qui avait été défroqué par les instances gouvernementales japonaises de l’époque et qui s’était marié tout en se dédiant totalement à l’exercice du dharma, je dirais que je ne suis ni moine ni laïc (hisô hizoku). Il avait fait de cette situation subie, un véritable chemin spirituel. Par contre, je me sens pleinement un renonçant mais au sens bouddhique de renoncer aux trois poisons, l’avidité, la haine et l’ignorance.

Pourtant, il faut bien choisir pour soi-même telle ou telle condition de vie. Je crois que pour chacun l’orientation dépend de son propre caractère et aussi de sa situation de vie à un moment donné. Rien n’est jamais fixé et l’on ne peut proposer un seul modèle valable pour tous. Comment aussi donner à approfondir ce chemin de vie ? Malgré tout, je reste convaincu qu’une pratique communautaire centrée sur la méditation et la relation maître-disciple comme le propose Dokushô demeure essentielle dans l’apprentissage du Zen, du moins pour ceux qui souhaitent aller au plus profond d’eux-mêmes, et que la dimension communautaire que l’on peut vivre lors de retraites de quelques jours ne suffit pas. Au demeurant, j’ai l’impression que les retraites sont pour un certain nombre de personnes des moments particuliers détachés de leur vie ordinaire qui restent justement à part de leur vie, alors que finalement c’est dans l’ordinaire le plus ordinaire que ce dharma devrait se développer. Reste à déterminer la forme de cette vie communautaire qui peut être plus ou moins formelle et prise pour une durée plus ou moins longue.

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