Taisen Deshimaru (1914-1982) appartenait à la frange de l’intelligentsia japonaise qui s’adonnait au zen hors de tout contexte monastique avant, puis après la seconde guerre mondiale. Jusqu’à l’ère Meiji, la méditation restait l’affaire des bonzes puis, dans l’atmosphère des réformes politico-sociales de l’époque, des réformateurs ouvrirent les portes des temples et des monastères. Des laïques éduqués formaient des sociétés bouddhiques où se côtoyaient des intellectuels et des politiciens en vue. Des enseignants zen y étaient régulièrement invités à donner des conférences ou à animer des séances de méditation. Yasuo (son prénom) Deshimaru s’initia au zen, dans les années trente, dans l’un de ces cercles à Tôkyô. Par la suite, il se mit à l’école de Kôdô Sawaki (1880-1965), un bonze sôtô dont la réputation dépassait la sphère de sa propre tradition. Sawaki partageait la vision, qui se répandait alors, que la méditation pouvait être le ferment d’une spiritualité universelle. Lui-même n’eut pas de temple, voyageant sans cesser pour enseigner, indifféremment à des moines ou à des laïques. [Sawaki] répétait sans cesse que le zazen, éthique pratique et concrète, ne devait pas rester l’apanage de la secte zen et moins encore du bouddhisme, mais qu’il devait à l’avenir constituer le fondement d’une religion qui serait enfin universelle et infinie. Il enseignait que le devoir de l’homme était d’abord de vivre sa vie d’homme. Il se consacra entièrement à la recherche d’une voie qui permettrait à l’homme de réaliser cet idéal.” [1] Peu avant la mort de Sawaki en novembre 1965, Deshimaru reçut de son maître les préceptes bouddhistes et le nom zen de Taisen (“Le calme ermite”). Quelques mois plus tard, il s’établit à Paris où il enseigna immédiatement la méditation.

Taisen avait un caractère trempé. Il engageait inlassablement ses disciples à “la non-peur” car, disait-il, ils pouvaient créer un zen neuf et vivant puisant à la source vive de leur humanité. Dans Vrai zen, son premier livre publié en France dès 1969, il écrivait : “Dans le vrai zen, nous devons suivre la tradition mais pas seulement suivre la tradition, nous devons nier aussi la tradition et revenir au « rien fondamental et originel (l’antithèse du traditionnel, l’au-delà des traditions), à la vraie pureté, au point originel fondamental. » Ceci surtout est le vrai zen. Aussi, j’espère avoir apporté à l’Europe le zen traditionnel japonais, mais au-delà de celui-ci je serai heureux si vous créez de vous-mêmes et revenez au point de vraie pureté qui est en vous.” [2] Taisen aspirait à la créativité et sans cesse l’encourageait. Loin des carcans orientaux, son installation en France lui permettait d’explorer librement de nouvelles façons d’enseigner. Au fond, seul lui importait de montrer comment la méditation pouvait irriguer la vie.

[1] Taisen Deshimaru, Autobiographie d’un moine zen, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 107.
[2] Taisen Deshimaru, Vrai Zen, Le Courrier du Livre, Paris, 1969, p. 146.

Le Zen, Ici et maintenant, un film d'Arnaud Desjardins (1971), avec T. Deshimaru : les dix premières minutes disponibles sur le site de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA). Un peu kitch, 35 ans après.


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