On présente souvent le zen séparé en deux grandes écoles, le sôtô (ch. caodong) et le rinzai (ch. linji), etc., et ce d’autant plus facilement que ces deux écoles sont aujourd’hui constituées au Japon sous forme d’église avec des doctrines et des rites spécifiques.

Pourtant, depuis son origine, le zen n’est pas tant séparé en écoles que "travaillé", au sens le plus fort, et en profondeur par un clivage essentiel. Deux courants s’opposent. Le premier (majoritaire) pourrait être qualifié de quiétiste. Dans cette première approche, le zen sert à devenir comme "un arbre sec ou des cendres froides" selon la formule classique. Ce courant refuse la pensée car penser est toujours compris comme l’indice d’un égarement. Le zen devient alors une pratique de l’involonté à la manière taoïste. Huangbo, Ôbaku en japonais, dit par exemple (je reprends la traduction de Patrick Carré) :

Vous n’avez désormais qu’une seule chose à faire : A tout instant, que vous soyez en train de vous déplacer ou que vous vous teniez debout, assis ou couché, étudiez le non-esprit sans jamais discriminer, sans vous appuyer sur rien, sans vous fixer nulle part, en restant tout le jour comme un idiot qui se laisse porter par le courant des choses. (Les entretiens de Houang-po, traduction de Patrick Carré, Paris, Les Deux Océans, 1985, p. 87)

Le second courant (minoritaire) a une approche résolument dynamique : la pensée appartient au processus même de la vie et ne peut être annihilée. Si la pensée est une représentation, travaillons donc plutôt sur nos représentations. Le monde dans lequel nous vivons est un monde de dualité : à chaque instant, nous devons choisir, aller dans un sens ou dans un autre. Que nos préférences s’opèrent volontairement ou non, consciemment ou non, nous choisissons. Les questions deviennent plutôt : pourquoi choisir, comment choisir, que choisir ? Dans cette approche, méditer consiste à creuser un écart dans ses représentations. Assis, on repousse doucement la pensée comme l’absence de la pensée. La brèche s’élargit et l’on s’installe dans un entre-deux, à nu et à découvert. Une telle pratique de l’écart nous conduira à vivre autrement nos représentations. Car il faudra bien se lever de son coussin et reprendre le cours ordinaire de la vie, penser, aimer, vivre et mourir.

Le maître zen Dôgen appartient à ce second courant qui refuse résolument toute forme de quiétisme. Sa formule est "sur l’arbre sec, une fleur éclôt". Nous ne pratiquons pas la méditation pour nous dissoudre dans l’indifférence, mais pour qu’une nouvelle vie, éclatante et belle, jaillisse de cette pratique.

Aujourd’hui, de nombreuses traductions de textes zen chinois et japonais sont disponibles en français ou en anglais. Vous pouvez vous amuser à les lire ou à les relire et vous demander à quel courant ils se rattachent.


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