S'unifier
Après la méditation, Jean-Louis me pose la question suivante : "Si l’on ressent des difficultés physiques ou des douleurs pendant la méditation, peut-on prendre appui sur les sensations comme dans la méditation vipassanâ de la tradition Theravâda ? J’ai pratiqué dans cette tradition et l’on apprend à « scanner » l’ensemble des processus physiques et psychiques pendant la méditation."
Je n’ai pratiqué que le zen et il m’est difficile de parler des autres pratiques de méditation bouddhiste. Mais, telle que je la comprends, la méditation vipassanâ m’apparaît comme une technique d’objectivation des sensations. Certains enseignants conseillent jusqu’à noter mentalement l’ensemble des sensations qui surgissent d’instant en instant, le froid, le chaud, la douleur, le confort, l’endormissement, telle ou telle pensée, etc., sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre, sans juger même d’un bon ou d’un mauvais état de méditation. Objectivées, les sensations n’apparaissent plus comme miennes, ce n’est plus "je pense" mais "il y a de la pensée", n’étant plus miennes elles sont dès lors neutralisées.
La méditation zen est différente puisqu’elle cherche d’emblée un état d’unité. Pour rendre compte de cette dimension méditative, les Chinois et les Japonais utilisent l’expression tajô ippen, "devenir un" (ta = préfixe verbal d’insistance ; jô = devenir ; ichi = un ; hen = bloc). Le corps, la respiration, le mental s’unifient avec fluidité. Il n’y a donc à aucun moment mise à distance d’une quelconque sensation corporelle, respiratoire ou mentale. Bien sûr, on ne ressent pas toujours l’unité, des difficultés et des douleurs peuvent surgir. On préconise alors des techniques de concentration, le plus souvent sur la respiration. Mais même dans ce cas, on ne note pas, on ne visualise pas le passage du souffle, on cherche plutôt à s’unifier avec lui.
Au Japon, à l’époque Edô (17e-18e siècle) il y eut des débats dans la tradition zen sur le contenu même de la méditation. Certaines écoles proposaient un exercice qui s’appelle "l’observation des respirations", zuisokukan (zui = suivre ; soku = respiration ; kan = contemplation). Selon la description classique, il s’agit de reconnaître "qu’une respiration longue est longue et qu’une respiration courte est courte". L’observation des respirations forme le second volet de la méditation ampan ou ânapânasmrti utilisée dans les anciennes écoles indiennes (voir ici un texte explicatif par Jiun sonja (1718-1804), un maître shingon). Le vipassanâ moderne remonte à cette ancienne méthode d’observation du souffle, je suppose. Si quelques maîtres zen reprennent à l’époque cette observation des respirations, la plupart ne le font pas, et aujourd’hui nul enseignant zen, à ma connaissance, ne pratique cette forme de méditation (voir ici des explications complémentaires de Ryôtan Tokuda et de Gudô Nishijima).
Je n’ai pratiqué que le zen et il m’est difficile de parler des autres pratiques de méditation bouddhiste. Mais, telle que je la comprends, la méditation vipassanâ m’apparaît comme une technique d’objectivation des sensations. Certains enseignants conseillent jusqu’à noter mentalement l’ensemble des sensations qui surgissent d’instant en instant, le froid, le chaud, la douleur, le confort, l’endormissement, telle ou telle pensée, etc., sans se préoccuper de quoi que ce soit d’autre, sans juger même d’un bon ou d’un mauvais état de méditation. Objectivées, les sensations n’apparaissent plus comme miennes, ce n’est plus "je pense" mais "il y a de la pensée", n’étant plus miennes elles sont dès lors neutralisées.
La méditation zen est différente puisqu’elle cherche d’emblée un état d’unité. Pour rendre compte de cette dimension méditative, les Chinois et les Japonais utilisent l’expression tajô ippen, "devenir un" (ta = préfixe verbal d’insistance ; jô = devenir ; ichi = un ; hen = bloc). Le corps, la respiration, le mental s’unifient avec fluidité. Il n’y a donc à aucun moment mise à distance d’une quelconque sensation corporelle, respiratoire ou mentale. Bien sûr, on ne ressent pas toujours l’unité, des difficultés et des douleurs peuvent surgir. On préconise alors des techniques de concentration, le plus souvent sur la respiration. Mais même dans ce cas, on ne note pas, on ne visualise pas le passage du souffle, on cherche plutôt à s’unifier avec lui.
Au Japon, à l’époque Edô (17e-18e siècle) il y eut des débats dans la tradition zen sur le contenu même de la méditation. Certaines écoles proposaient un exercice qui s’appelle "l’observation des respirations", zuisokukan (zui = suivre ; soku = respiration ; kan = contemplation). Selon la description classique, il s’agit de reconnaître "qu’une respiration longue est longue et qu’une respiration courte est courte". L’observation des respirations forme le second volet de la méditation ampan ou ânapânasmrti utilisée dans les anciennes écoles indiennes (voir ici un texte explicatif par Jiun sonja (1718-1804), un maître shingon). Le vipassanâ moderne remonte à cette ancienne méthode d’observation du souffle, je suppose. Si quelques maîtres zen reprennent à l’époque cette observation des respirations, la plupart ne le font pas, et aujourd’hui nul enseignant zen, à ma connaissance, ne pratique cette forme de méditation (voir ici des explications complémentaires de Ryôtan Tokuda et de Gudô Nishijima).
Mots-clés : Jiun sonja, méditation, vipassanâ
Imprimer | Articlé publié par Eric le 17 Oct. 06 |
le 17/10/2006
Personnellement, c'est comme ça que je gère la douleur : j'essaie au maximum de l'objectiver. Je la laisse arriver mais "sans en prendre livraison " (!!), pour reprendre la jolie expression de Nisargadatta. Evidemment, c'est plus facile à dire qu'à faire. Mais, indépendamment de ce que raconte la tradition, comment vis-tu toi-même la douleur, Eric, en méditation ?
le 18/10/2006
Ce billet sur vipassana / zen, me fait penser à cette histoire clin d'oeil et assez métaphorique (tiré d'un livre de Gary Thorp : Le zen des petits riens) :
Tout le monde aime ratisser. Au Japon on vous dit : "Quand tu ratisses, ratisse", alors qu'en Asie du Sud Est, on vous dit : "Quand tu ratisses, prends garde à ton esprit."
C'est ainsi que les moines japonais travaillent avec la plus grande énergie, jusqu'à en faire trop tandis que les autres seront surpris en train de traîner leur râteau tant ils sont à l'écoute de leurs sensations, pensées, motifs, intentions et émotions.
Un maître zen répondit à cette histoire concernant le vipassana : "Ils pensent encore que leur esprit est dans leur tête." ;-)
chaleureusement
Frédéric
le 18/10/2006
Une précision : Evidemment, dans ce billet, je cherchais simplement à éclaircir des différences, pas plus. Je suppose qu'il existe autant de formes de méditation vipassanâ qu'il existe de formes de méditation zen et les descriptions ne peuvent être que générales.
A noter qu'Isshô Fujita, l'un des successeurs de Kôshô Uchiyama rôshi, fit une fois une retraite de dix jours de vipassanâ aux Etats-Unis. Dans son journal, My zazen sankyû (vol. 3, fichier pdf en anglais), il revient sur cette expérience qu'il compare avec sa propre expérience du zen.
Bonne journée. Eric
le 19/10/2006
j'avais bien compris qu'il ne s'agissait pas ici de "comparaison" et c'est pourquoi l'histoire citée, plus que comme comparaison, (je suis trop ignorant des deux voies pour le faire), me semblait intéressant d'un point de vue "métaphorique" comme je l'écrivais,
entre le FAIRE (et être dans le faire) et l'ETRE.
Je ne sais pas si l'ancien dicton "Toutes les routes mènent à Rome" dit vrai, mais je crois qu'il y a plusieurs cheminements qui peuvent être valables, tout dépend du contexte, des histoires personnelles, des moments où on en est dans cette histoire. Je suis désolé si j'ai pu faire penser le contraire
Chaleureusement
Frédéric
le 20/03/2008
Unificarse
Tras la meditación Jean-Louis me plantea la pregunta siguiente: “¿Si se sienten dificultades físicas o dolores durante la meditación, ¿Se puede tomar apoyo sobre las sensaciones, como en la meditación vipassanâ de la tradición Theravâda? He practicado en esa tradición y se enseña a “escanear” el conjunto de los procesos físicos y psíquicos durante la meditación.”
Yo no he practicado mas que el zen y me es difícil hablar de otras prácticas de meditación budista. Pero, tal como yo lo entiendo, la meditación vipassanâ me parece una especie de técnica de objetivación de las sensaciones. Algunos enseñantes aconsejan incluso constatar mentalmente el conjunto de sensaciones que surgen a cada momento, el frío, el calor, el dolor, el confort, el adormecimiento, tal o cual pensamiento, etc. sin preocuparse de otra cosa, sin juzgar del estado, bueno o malo, de la meditación. Objetivadas, las sensaciones no aparecen ya como mías, ya no es “yo pienso” sino “hay pensamiento”, no siendo más mías son neutralizadas.
La meditación zen es diferente puesto que busca de entrada un estado de unidad. Para dar cuenta de esta dimensión meditativa los chinos y los japoneses utilizan la expresión tajô ippen, “ devenir uno” (ta = prefijo verbal de insistencia ; jô = devenir : ichi = uno ; hen = bloque). El cuerpo, la respiración, la mente se unifican fluidamente. No hay pues en ningún momento separación de una sensación cualquiera ; corporal, respiratoria o mental. Por supuesto no se siente siempre la unidad, dificultades y dolores pueden surgir. Se recomiendan entonces técnicas de concentración, lo mas a menudo sobre la respiración. Pero, incluso en este caso, no se se toma nota, no se visualiza el paso del aire, se busca mas bien unificarse con el.
En Japón, en la época Edô (ss. XVII-XVIII) hubo debates en la tradición zen sobre el contenido en si de la meditación. Algunas escuelas proponían un ejercicio llamado “observación de las respiraciones” zuisokukan (zui = seguir ; soku = respiración ; kan = contemplación). Según la descripción clásica se trata de reconocer “que una respiración larga es larga y que una respiración corta es corta”. La observación de las respiraciones forma la segunda puerta de la meditación ampan o ânâpânasmrti utilizada en la antiguas escuelas indias. El vipassanâ modernos se remonta a este antiguo método de observación de la respiración, supongo. Si algunos maestros zen retomaron entonces esta observación de las respiraciones, la mayoría no lo hicieron, y hoy en día ningún enseñante, a mi parecer, practica esta forma de meditación.