La méditation n’est possible que si l’on se respecte soi-même. Avec la délicatesse, avec la tendresse qui est le propre de la méditation, nous laissons se déployer cette même qualité de non-violence dans notre vie. Il ne s’agit plus d’être en conflit, mais d’être lucides devant ce qui est. Notre vie devient un champ d’éveil. Il n’y a là rien d’extravagant. Nous retrouvons au contraire la banalité des moments ordinaires. Chaque moment, chaque geste devient une occasion sans cesse renouvelée de redécouvrir le monde. Nous apprenons à découvrir l’instant présent. Juste à nous tenir dans l’instant présent. Bien sûr, nous sommes toujours le fruit du passé, et nous pensons continuellement à l’avenir, mais il nous faut aussi réapprendre à être simplement présents. Nous le sommes pourtant à chaque instant et c’est presque comme si nous l’avions oublié.

À chaque instant, l’instant se donne à nous dans sa disponibilité, dans sa gratuité. Comment réapprendre à goûter la saveur du présent, si ce n’est en s’exerçant à la grandeur? S’y exercer, c’est ressentir comme la grandeur n’est finalement jamais assez grande. Nous avançons dans cette grandeur avec joie et, malgré tout, nous regardons toujours encore un peu trop en arrière, un peu trop en avant, nous avons tant de mal à nous exercer à la présence. S’exercer à la grandeur, c’est avancer en regardant devant soi, l’esprit vaste. C’est notre plus grand défi.

La grandeur est bien une certaine manière d’entrer en contact avec soi. Et si, dans cet espace d’ouverture, apparaissent des pensées, des sensations, des émotions, nous devrions les accueillir avec l’esprit vaste. Nous devrions apprendre à développer une attitude douce, flexible, délicate. Nous n’avons besoin ni de juger, ni de corriger, ni de contrôler quoi que ce soit. Simplement rester dans l’ouverture. C’est finalement un acte d’amour. Nous nous aimons nous-mêmes. Demeurer dans les clivages, c’est refuser de voir, d’entrer dans la dimension de la grandeur. Car tout est bon en soi, le bon grain comme l’ivraie. Il nous faut évidemment l’intelligence du cœur pour reconnaître ce que sont nos propres difficultés, ce qu’elles signifient, ce qu’elles nous donnent à vivre réellement. Comment les appréhender, comment les intégrer, comment les dépasser aussi. Mais nous ne devrions jamais créer de distance, avec ce qui se présente à chaque moment.

Les Bouddhas naissent dans le feu, Editions du Seuil, pp. 73-76.




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