Que ferait le Bouddha ? (un article de David Loy)
Il y a quelques semaines de cela, David Loy (photo ci-contre) m’avait envoyé un nouveau texte pour le site Un Zen Occidental. Georges T. a travaillé sur la traduction que j’ai enfin pu regarder ce dimanche. Je vous la livre en avant-première.
Loy est l’un des disciples et successeurs du maître zen Koun Yamada de l'école Sambô Kyôdan. Il n’a pas de groupe de méditation et a choisi la voie de l’écriture et de l'engagement social. Actuellement, il enseigne la philosophie à l’Université Xavier de Cincinnati aux Etats-Unis. Dans cet article intitulé "Que ferait le Bouddha ?", Loy reprend quelques-unes de ses réflexions sur les identités collectives, l’institutionnalisation des trois poisons, la société de consommation, etc. Le texte est d’une clarté limpide. Je regrette juste le ton un peu trop outrancier (ou du moins que je ressens comme tel) qui n’est sans doute pas approprié. On peut dire des choses fortes sans animosité aucune. Loy me rétorquera sûrement que l’urgence commande ce ton virulent. A vous de lire.
Loy est l’un des disciples et successeurs du maître zen Koun Yamada de l'école Sambô Kyôdan. Il n’a pas de groupe de méditation et a choisi la voie de l’écriture et de l'engagement social. Actuellement, il enseigne la philosophie à l’Université Xavier de Cincinnati aux Etats-Unis. Dans cet article intitulé "Que ferait le Bouddha ?", Loy reprend quelques-unes de ses réflexions sur les identités collectives, l’institutionnalisation des trois poisons, la société de consommation, etc. Le texte est d’une clarté limpide. Je regrette juste le ton un peu trop outrancier (ou du moins que je ressens comme tel) qui n’est sans doute pas approprié. On peut dire des choses fortes sans animosité aucune. Loy me rétorquera sûrement que l’urgence commande ce ton virulent. A vous de lire.
Que ferait le Bouddha ?
Chaque génération pense sans doute qu’elle est confrontée à une crise qui décide du sort de la planète. Mais à moins de se mettre la tête dans le sable (ou quelque équivalent bouddhiste), nul ne peut ignorer l’exceptionnelle crise planétaire à laquelle aujourd’hui nous sommes tous confrontés. La destruction de l’environnement n'est plus simplement une menace : nous la vivons, et il est déjà évident que les sociétés telles que nous les connaissons subiront des transformations pour le moins douloureuses par l’épuisement des systèmes écologiques qui se renforcent mutuellement, en particulier le changement climatique planétaire, la diminution de la couche d'ozone, l’extinction rapide de nombreuses espèces, les différents types de pollution et tout ce que nous ne connaissons pas encore.
Bien que notre système économique mondial soit une filiale à cent pour cent de la biosphère (note : en d’autres termes qu’il dépend complètement de la biosphère, qu’il en est un sous-ensemble, mais j’aimerais garder l’expression), les PDG qui dirigent ce système (comme n’importe qui qui le contrôle) ne peuvent voir plus loin que le prochain rapport trimestriel, pas plus que les hommes politiques ne peuvent raisonner au-delà de la prochaine élection. La surpopulation, les pandémies, la privation croissante de besoins essentiels pour de vastes catégories de personnes font planer la menace d'un effondrement social, alors que les médias – des entreprises commerciales dont le principal intérêt est la dernière ligne du bilan, non de découvrir et de dévoiler la vérité – nous divertissent à coup d’infospectacles et nous assurent que la solution, c’est toujours plus de la même chose : garder confiance, tenir bon, et que finalement nos problèmes seront résolus par le développement technologique, la croissance économique, encore plus de consommation et un produit national brut plus important.
Comme si cela n’était pas suffisant, nos dirigeants – ou plutôt nos maîtres – ignares, corrompus et arrogants se sont montrés incompétents en tout à l’exception du mensonge et de la conquête du pouvoir. Maintenant que leur fourberie et leur incompétence reviennent les hanter, leur cote de popularité s'est effondrée, en même temps, ils ont consolidé leur pouvoir. Les têtes changeront, mais la structure du pouvoir restera globalement la même, à moins que nous trouvions les moyens d'y remédier.
Pour garder le pouvoir, la peur est l’un de leurs plus importants ressorts. Elle exige que l’on substitue à la guerre froide une guerre sans fin “contre le terrorisme”, ce qui veut dire d’intarissables gains pour un complexe militaro-industriel qui se gave sur la guerre sans laquelle il s’écroulerait. Cette guerre contre le terrorisme a été menée, volontairement ou non, d'une façon telle qu’elle garantit pour chaque “terroriste” que l’on tuera une douzaine d’autres gens désespérés qui haïront les Etats-Unis. Nos efforts agressifs pour réprimer le terrorisme assurent sa pérennité. Comme le disait Peter Ustinov, le terrorisme est la guerre des pauvres, la guerre est le terrorisme des riches. La violence de petits groupes terroristes comme Al-Qaïda est, en fin de compte, peu de choses en regard du “terrorisme d'état” (qui comprend l’autorisation de la torture) que nous croyons fondé de déchaîner sur quiconque nous fait peur ou menace nos “intérêts nationaux”.
Je ne livre pas ces réflexions comme une opinion politique (“Bien ! Ecoutons également la position adverse !”) mais comme un fait. Il s’agit de la situation critique où nous nous trouvons aujourd'hui, et les bouddhistes doivent la regarder rapidement comme tout le monde. A moins d'être obtus, si vous n'êtes pas un tant soit peu conscient de ces questions urgentes, c'est que vous vivez dans une bulle très étrange à l'écart de toute source d'informations (vous êtes peut-être à la fin d’une retraite de vingt ans dans une caverne de l’Himalaya ?) ou que votre pratique spirituelle comporte une faiblesse. Soit vous n'êtes pas attentif, soit quelque chose ne fonctionne pas dans votre faculté de voir. Il existe une place spéciale en enfer (les enfers bouddhistes comme l’enfer chrétien) pour ceux qui refusent d'abandonner l’indifférence nombriliste qui leur permet de rester indéfiniment sur leur coussin tandis que le reste du monde se dirige en enfer. Le bouddhisme promeut l'attention et la conscience et il est nécessaire, tout particulièrement aujourd’hui, que cette conscience s'étende au-delà de nos coussins de méditation et de nos salles de pratique du dharma, pour embrasser une compréhension plus vaste de ce qui se passe dans le monde, dans notre monde, un monde qui crie de douleur. Comme Kwan Yin, nous devons être capables d'entendre cette douleur.
On pense parfois que la pratique de la méditation signifie “juste voir, juste entendre, juste sentir, voilà qui est bien, les concepts sont mauvais”. Il y a des moments et des lieux où nous devons nous concentrer sur les données sensorielles immédiates et sur les phénomènes mentaux, mais ces pratiques sont incomplètes en elles-mêmes, tout comme le serait un éveil bouddhiste qui nous libérerait sans nous entraîner à considérer la libération de tous. Sans quoi nous risquons de finir comme des grenouilles au fond d’un puits profond, oublieux du monde plus vaste qui se trouve à l'extérieur. Si votre pratique bouddhiste vous rend allergique à tout ce qui est concept et abstraction, vous feriez mieux de vous équiper pour le Pôle Sud, que vous expérimentiez directement votre propre coup de soleil au trou d'ozone, pour la toundra arctique, que vous pataugiez en personne dans la boue du permafrost décongelé, pour les bidonvilles de Bogota ou de Rio de Janeiro que vous voyiez par vous-mêmes dans quelles conditions des familles essayent d’y survivre, pour Bagdad que vous appreniez par vous-mêmes sur le terrain ce que veut dire “apporter la démocratie au Moyen-Orient”, et pour nombre d'autres endroits que vous preniez conscience de ce qui se passe dans le monde aujourd’hui même.
Ceux d'entre nous qui n'ont pas assez de temps, d'argent ou d'énergie à consacrer à de tels voyages doivent développer une conscience plus large autrement, sans plus faire confiance aux médias poubelles ou à la machine à reformater l’information de Bush. Nous devons utiliser notre esprit critique pour comprendre les gigantesques défis du monde dans lequel nous vivons. Les concepts et les généralisations ne sont pas mauvais en soi. Les rejeter est comme condamner les victimes, alors qu’en fait la difficulté vient que nous les utilisons à mauvais escient.
Croire que “l’attention signifie être seulement attentif à son environnement immédiat” et poser de telles limites à sa conscience est en réalité une autre forme du problème fondamental : le sentiment d’être séparé les uns des autres et du monde “dans” lequel nous vivons. Le non-soi (anatta) signifie qu'il est illusoire de faire une différence entre “ce qui est le mieux pour moi” et ce qui est le mieux pour les autres. Le monde n'est pas une sorte de jeu à somme nulle. C'est pourquoi le karma opère comme il le fait.
A cette explication, deux autres objections bouddhistes courantes tentent de justifier qu’il conviendrait de se concentrer uniquement sur sa propre pratique et son propre éveil : “Je dois m’occuper de ma propre libération avant de pouvoir aider les autres. Et du point de vue le plus élevé, les êtres vivants n’existent pas – tout est “vide” – et nous n'avons pas besoin de nous soucier de leur sort ni de celui de la biosphère.” Pourtant, aucun de ces arguments n’est valide. D’une façon ou d’une autre, ils sont tous les deux, en effet, et au mieux des demi-vérités qui relève du dualisme.
D’abord, nous ne pouvons attendre d'avoir surmonté toutes nos souffrances avant de nous occuper de celles des autres. Le monde s’accélère, et les évènements n'attendront pas, eux, que nous ayons, vous et moi, réalisé le grand éveil. Comme les degrés de l'éveil sont infinis (même le Bouddha n’est encore qu'à mi-chemin selon un dicton zen), nous devons apporter notre aide comme nous le pouvons ici et maintenant. Plus exactement, nous devons faire maintenant ce que nous pouvons en fonction de là où nous en sommes dans notre pratique.
Qui plus est, cette objection méconnaît le fonctionnement de la pratique spirituelle. Nous n'attendons pas d'avoir surmonté notre égocentrisme pour nous engager avec le monde. S'occuper de la souffrance d’un monde plus large est la manière dont nous surmontons l’égocentrisme. Contrairement à une conception courante du chemin du bodhisattva, les bodhisattvas ne diffèrent pas leur propre éveil parfait pour aider les autres. Aider les autres est leur manière de parfaire leur éveil, car ils savent que leur libération ne peut être en définitive séparée de celle des autres. Nous nous éveillons d’une souffrance à soi pour nous retrouver dans un monde rempli de souffrance. S'éveiller, c'est réaliser que je ne suis rien d’autre que ce monde.
Mais tout est vide, n'est-ce pas ? Oui et non. Mettre uniquement l'accent sur la dimension de la vacuité, c'est encore être dans la dualité et se méprendre sur l’enseignement central du mahâyâna. La forme est vacuité, mais la vacuité est aussi forme. Les phénomènes n'ont pas d'essence et néanmoins notre nature essentielle sans forme se manifeste sous une forme ou sous une autre. Sans manifestations, il ne reste rien, rien ne vaut et cela n'a pas de sens. Ne pas chérir l’enchevêtrement des fils de la vie que la Terre a miraculeusement tissé – nous compris, égarés que nous sommes – serait mésestimer la merveilleuse activité de la nature essentielle que nous partageons avec tous les autres êtres. L'éveil ne mène pas à une supra-réalité ou à une dimension transcendante, mais à réaliser notre unité fondamentale avec le monde, ce qui revient à réaliser la vacuité de notre identité propre et à agir en conséquence. Sans une biosphère saine, les formes disponibles à la vacuité sont fortement réduites. Sans des sociétés saines, les possibilités d'accomplir des activités humaines, et notamment de suivre le chemin de l'éveil, sont compromises.
Que ferait le Bouddha ? Comment réagirait-il à notre situation ?
Je me demande parfois ce qu'il penserait du bouddhisme actuel. Le Bouddha n'a jamais enseigné le bouddhisme. Il n’était même pas bouddhiste pouvons-nous dire, de même que le Christ n'était pas chrétien. Shâkyamuni a enseigné le dharma. Le bouddhisme n'est pas ce qu’il disait, mais ce qu'il a suscité. Le bouddhisme tel que nous le connaissons est le résultat du développement du dharma et du sangha pendant des siècles, dans des endroits et des cultures variés. Serait-il heureux de voir ce que ses efforts ont produit ?
Ses enseignements insistent sur l'impermanence et l’insubstantialité. Il ne serait pas surpris par l'histoire des transformations incessantes et par l'extraordinaire adaptabilité dont le bouddhisme a fait preuve là où il s’est diffusé. Il n'attendrait pas de nous que nous suivions et répétions simplement ses façons d’enseigner, ou que nous soyons accrochés aux règles qui ont vu le jour à son époque pour administrer le sangha. Il ne voudrait sûrement pas que nous restions aveugles devant les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés, de même qu'il n’attendrait pas que ses disciples les ignorent. A son époque, le sangha pouvait largement ignorer les luttes politiques et les conflits sociaux en se retirant dans la forêt. Aujourd'hui, il n'existe pas un endroit sur terre où se retirer qui ne soit menacé d’une manière ou d’une autre. La distinction traditionnelle entre moines et laïques ne s'applique pas dans cette situation. Nos destins ne peuvent plus être séparés.
Que ferait le Bouddha ? Est-ce une question sans réponse puisqu’il n’est plus là ? Si le Bouddha ne vit pas en nous et comme nous, il est mort en effet. Si nous sommes incapables de répondre nous-mêmes à cette question, le bouddhisme est mort, ou peu s'en faut. Pour vous comme pour moi, appliquer les enseignements les plus importants du bouddhisme à notre situation actuelle est un défi. Si ces enseignements ne permettent pas de comprendre et de répondre à la crise mondiale à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés, tant pis pour eux, peut-être est-il temps de s'en débarrasser.
Mais je ne pense pas que nous soyons appelés à le faire. L'enseignement le plus clairement bouddhiste est aussi celui qui nous procure la meilleure appréciation de la crise collective que nous affrontons : le lien entre dukkha et anatta (note : non, il ne s’agit pas de la première ni de l’une des quatre nobles vérités, mais ma façon de condenser l’intuition la plus fondamentale propre au bouddhisme telle que je la comprends) entre la souffrance, au sens le plus large, et le sentiment illusoire de soi. Le sentiment de soi est nécessairement inconfortable car, en tant que construction psychique, il n’a pas de fondement, et ses tentatives habituelles pour se fonder et se sentir plus “réel” ne font qu’empirer les choses. Cette vérité fondamentale sur le soi de l’individu éclaire aussi les soi collectifs qui cherchent tout autant à se préserver en servant leur propre intérêt de groupe au détriment de ceux qui n'en font pas partie.
Nous voici au cœur de l’auto-contradiction du sexisme, du racisme, du nationalisme, du militarisme et du spécisme (la séparation des êtres humains du reste de la biosphère). Si le sentiment de séparation est le problème, comprendre l’interdépendance qui nous lie doit être au cœur de toutes les solutions. Nos dirigeants échouent si misérablement car leurs politiques incarnent et renforcent l'illusion de la séparation, ils aggravent la dukkha du monde au lieu de la soulager.
Une telle interdépendance n'est pas simplement une réalisation que l’on cultive sur son coussin. Un monde en souffrance nous invite à réaliser l'interdépendance – c’est-à-dire à la rendre réelle – jusque dans nos façons de vivre. Cela comprend d’imaginer des moyens d'affronter l'avidité institutionnalisée (notre système économique actuel), l’aversion institutionnalisée (nos régimes du militarisme et de la justice punitive) et l'illusion institutionnalisée (les régimes de la propagande et de la publicité entretenues pas les médias). Il ne sera pas facile de découvrir les manières les plus adéquates de défier et de transformer ces maux institutionnalisés. Si nous, bouddhistes, ne le voulons pas ou ne pouvons pas les trouver, le bouddhisme n'est pas la voie spirituelle dont le monde a besoin aujourd’hui.
David Loy (version révisée d’avril 2006)
Mots-clés : david Loy, écologie, engagement, politique
Imprimer | Articlé publié par Eric le 03 Déc. 06 |
le 04/12/2006
"Pour garder le pouvoir, la peur est l’un de leurs plus importants ressorts."
Fichtrement vrai!!!!!!
Marianne
le 04/12/2006
Bonjour,
voilà un texte capital, tellement riche que la réponse ou l'approfondissement demanderaient plusieurs livres. Je voudrais me concentrer sur un seul aspect, qui n'est qu'effleuré et qui renferme à mon avis une des données-clés du problème : les "sois collectifs".
Si nous pouvons (notamment à travers le Bouddhisme) éclairer à la chandelle le "soi" (ou l'absence de "soi"), nous sommes dans le noir quasi-complet en ce qui concerne les "sois collectifs". Un des angles qui permettent d'en avoir un tableau partiel est leur manifestation sociale, sous forme de sociétés, systèmes et organisations.
Tous les systèmes basés sur une idée généreuse ou positive ont conduit à des catastrophes. L'égalité a conduit au communisme répressif, l'exaltation de la liberté individuelle et du libre-arbitre à l'ultra-libéralisme et au capitalisme sauvage, même le Boudhisme lorsqu'il est érigé en système produit des effets contestables (le régime tibétain comme l'église zen durant la guerre sont, au minimum, critiquables sous certains aspects).
Tous les systèmes basés sur une idée moins généreuse ou négative ont conduit à des catastrophes majeures. La pureté de la race a engendré le nazisme, l'arrogance de la supériorité de la civilisation blanche et de ses valeurs a conduit à tous les colonialismes, l'arrogance de la supériorité des civilisations jaunes et de leurs valeurs a produit l'asservissement féroce de l'asie par le japon, et produit actuellement l'asservissement de l'Afrique par la chine, le droit divin engendre le servage et les royalismes.
C'est très résumé, mais on voit l'idée : plus le système est structuré, puissant et plus il grandit, moins on peut le contrôler et plus il est nocif. Les systèmes ont leur vie propre, dont on connaît peu de lois. Pour ma part, j'en dégage deux : la nocivité d'un système est directement proportionnelle à sa taille et à la raréfaction des 'ressources'.
Dans cette optique, le système capitaliste, ultra-libéral et démocratique mondial possède le potentiel de nuisance le plus élevé que l'humanité ait jamais connu.J'ai dit optique, donc possibilité de distorsion.
Les seules sociétés qui ont, peu ou prou, échappé à la règle du pire avaient une faible expression systémique du soi collectif. Ce sont pour la plupart des sociétés peu sédentaires, où la possession et le pouvoir étaient fortement dilués, et dans lesquelles le rapport à la nature était fort. Les indiens d'amérique du nord, les indiens d'amazonie, les busmen, les australiens natifs et les esquimaux sont des exemples, qui ont été impitoyablement balayés. Ce qui, en passant, repose d'une manière terrifiante la question de l'évolution, extrapolée au niveau des sociétés; qui survit ?
Pour en revenir au texte, je livre ma vision toute personnelle:
Ai-je en tant qu'individu bouddhiste zen la moindre influence sur l'évolution des systèmes ? Non.
Y a-t'il une voie dans laquelle je croie ? Peut-être. Elle passe en tout cas par la lutte contre l'émergence de nouveaux systèmes (fussent-ils Bouddhistes), du moins tant qu'ils resteront incontrolables et incompréhensibles. Un peu nihiliste et anarchiste, mais j'assume.
Un des aspects du Bouddhisme zen qui résonne le plus en moi est son absence de systèmisme. La naissance continuelle de bourgeons, au gré de visions individuelles, est un signe de compréhension intuitive très profonde. J'ose aller plus loin : le silence du zen concernant les sociétés et les systèmes est le signe que la solution n'est pas là, et probablement que le zen ne peut pas non plus éclairer les "soi collectifs".
Quand à la question principale : que ferait le Bouddha ? Il cultiverait sa rizière, mangerait son riz, laverait son bol, et s'assoierait pour méditer. A moins qu'il ne boive la cigüe.
Voilà pour la préface de l'introduction au Tome I.
Amicalement .
Jacques.
le 04/12/2006
Il n'empêche que je préfère moi aussi la manière plus douce avec un langage moins outrancier comme dit Eric.Un exposé clair et sans violence peut autant sucité l'intéret et réveillé les consciences (mais peut-être que je me trompe).
Il n'empêche que le sujet est chaud bouillant et qu'il nous concerne tous.Effectivement la passivité n'est pas une solution.Autant le boddhisatva travail finalement simultanément à son éveil éveil et à celui des autres autant la pratique de la voie s'effectue sur et à côté du zafu.
Pour rentrer concrètement dans le sujet, je dirais qu'il est nécéssaire de créer une grande sangha au sens le plus large qui va même au delà du bouddhisme et du zen .Car notre relation aux autres et au monde dépasse toutes les formes et nous oblige dans le concret à être un caméléon de l'instant (nest-ce pas ça la moëlle du zen?). Cette sangha est celle de l'humain qui fait parti du tout et qui à ce titre essaye de travailler a l'effeuillage de son égo au soleil et dans la boue . Dans la réalité "relative" du monde, je ne crois pas qu'il y est des solutions durables à grande échelle pour instauré le bonheur et l'harmonie. Impermanence oblige une solution doit être vivante (c'est en celà que le bouddhisme me séduit).
Je crois que notre façon de voir le monde le crée tel qu'il est et que c'est à chacun de nous de travailler dans l'optique d'une plus grande clarté et d'une plus grande tolérance et ainsi de par l'exemple de chacun, donner envie à tous d'être à la place de chacun. Le monde ne changera pas en gros mais en détail (mais pourquoi pas tous ensemble!?).
De bien jolies phrases qui ne donnent pas de réponses mais si c'est impossible alors soyons fous, il y à tant à faire ici et plus loin!
Améliorons notre cercle immédiat dans notre quotidien et agrandissons le dans une écoute toujours accrue.
Bon courage à nous tous
bien à tous
amicalement, Wilfried
le 04/12/2006
Petit post-scriptum, et je me tais.
Je viens de visiter son site, qui me semble renfermer un grand nombre de lignes dignes d'intérêt. Je m'y plonge illico.
Pour ce qui est du ton outrancier, je le trouve en fait plutôt modéré. Si vous voulez voir à quoi ressemble un vrai philosophe imprécateur (dans les actuels), essayez Onfray. Il est vrai qu'il est très peu Bouddhiste.
Paix et fraternité
Jacques
le 07/12/2006
Bon, je réagis avec deux wagons de retard, mais mieux vaut tard que jamais...
Je n'ai pas eu le temps de retravailler cette intervention, ce sera donc très long, espéront que ça restera lisible...
Il y a des éléments certes légers, mais néamoins présents dans le texte de Loy, qui me font apprécier ce texte bien plus que d'autres qu'il a pu produire par le passé.
Pour ne pas être trop long je signalerais juste (1) la remise en cause explicite de "la structure du pouvoir" (et non du pouvoir tout court) et (2) je cite "Je ne livre pas ces réflexions comme une opinion politique... mais comme un fait".
En mettant en cause directement la structure du pouvoir, Loy élargit à mes yeux le champ d'action du bouddhisme engagé. Il ne s'agit pas de rééquilibrer le système en place, corriger les excès, etc. mais il envisage vraiment une révision de la manière d'être ensemble, ce qui est un vrai projet politique et social. Cependant, il ne dit pas comment et pour quoi changer. Je ferais remarquer que des mouvements beaucoup plus radicaux qui existent depuis des décennies, voire plus, ne parviennent pas non plus à répondre clairement à ces deux dernières questions.
L'autre aspect que je retiens du texte de Loy est qu'il n'échappe pas à la contradiction fondamentale du militantisme que grossièrement je vais qualifier de "gôche", c'est à dire qui vise a priori à augmenter et respecter la liberté individuelle. Le point de départ est le suivant : on se rend compte que collectivement, on court à la catastrophe. Si l'on veut un changement, il faut alors un changement qui concerne tout le monde. Mais si l'on veut respecter la liberté individuelle on en rest à un discours "Eh les gens, si on continue comme ça on cours à la catastrophe. Il faudrait faire ça, ça et ça, mais bon, c'est comme vous voulez". Or, les gens, si ils voulaient, ça aurait déjà changé. Il ne faut être hypocrite : l'essence même de l'engagement, du changement social, c'est de prendre les chose les choses en main, d'agir sur le monde, voire de le forcer. Ce qui contredit la volonté de respecter les choses et les gens tels qu'ils sont.
Je ne pense pas qu'il y ait de solution simple. A un moment il faut prende ses responsabilités, et je pense que Loy a fait son choix. En outre, quand on lit un texte, il faut toujours faire attention a qui écrit et depuis où. Or Loy écrit depuis les USA, où peut être la situation est un peu plus pesante qu'ici.
Il ne faut pas voir non plus les choses de manière trop binaire. Il y a sûrement des manières de militer plus douces que d'autres, et elle sont sûrement souhaitables. Mais il ne faut pas se raconter d'histoire non plus.
A mon sens, ce qui dessert le plus Loy, ce n'est pas un défaut que Loy aurait en particulier, mais celui qui est à mon humble avis le défaut numéro 1 des bouddhistes en général : l'arrogance. Donc pour moi, ce n'est ni le ressentiment, ni la colère que je critiquerai dans ce texte.
Loy donne vraiment l'impression d'arriver sur le terrain de la critique sociale comme en terrain conquis. Se prévalant d'une tradition qui permet d'atteindre l'Eveil, le vrai, il se permet d'enfoncer des portes ouvertes au mépris de toute la pensée occidentale dans le domaine, pourtant extrèmement riche. Total : ça ne plaît ni à ceux qui n'aiment pas être dérangés sur leur coussin de méditation, ni à ceux qui se sont déjà levé de leur coussin. Dans toute son histoire, le bouddhisme n'a pas subvertit une seule "structure du pouvoir" afin d'établir une société plus juste. Alors quand on est le dernier de la classe, on ne donne pas de leçon avec le ton qu'emploie Loy.
Cette satisfaction de soi est courante dans le milieu bouddhiste. A mon sens, elle tient en partie à un facteur sociologique. Je vais m'expliquer, et je sais qu'ainsi je vais fâcher du monde, mais aussi douloureux soient les questions, il faut tout de même les aborder.
Ce qui me choque le plus dans les groupes bouddhistes aujourd'hui, c'est qu'il s'agit de groupes très homogènes socialement parlant. Pour prendre une référence plus objective que ma perception personnelle, Lenoir (1999) constate dans son étude sur Le bouddhisme en France que les catégories les plus représentées sont les Cadres, les Enseignants et les Professions Libérales (en tout plus de 40% des "bouddhistes"). Les Ouvriers, Chômeurs et Etudiants ne représentent même pas 10% du total. A la rigueur vous pouvez ajouter 10% d'employés. 50% des bouddhistes ont entre 35 et 50 ans.
Moi, ça me choque. Quand on connaît les prétentions universalistes du bouddhisme. Quand on sait qu'il prône la simplicité. Or les classes les plus modestes n'y sont pas représentées. Comment oser parler de la stratification de la société, et même du monde, alors que l'on n'est que le rassemblement d'une certaine classe sociale, celle peut être la moins concernée ? Les problèmes qui concerneront le bouddhismes ne seront jamais que les problèmes des gens qui le constituent. Je conçois donc que Loy cherche à secouer tout ça. Mais je ne me fais pas beaucoup d'illusion, et je ne pense pas que ça soit la bonne démarche. Le texte de Loy n'est rien d'autre pour moi que l'expression d'une mauvaise conscience.