Que ferait le Bouddha ? (suite)
Je reviens sur le texte de David Loy publié dimanche. Je trouve nécessaire que ce genre d’article puisse être traduit, publié et donc questionné. Sur le fond, ses réflexions me touchent et m’aiguillonnent car, en effet, l’expérience du bouddhisme nous invite à la responsabilité.
Néanmoins, je suis quelque peu gêné par le ton de l’article. La colère, voire le ressentiment de Loy est assez palpable. Une phrase et un adjectif sont, au minimum, de trop. Promettre l’enfer à ceux qui méditent et n’agissent pas n’est pas du meilleur effet. Je cite : "Il existe une place spéciale en enfer (les enfers bouddhistes comme l’enfer chrétien) pour ceux qui refusent d'abandonner l’indifférence nombriliste qui leur permet de rester indéfiniment sur leur coussin tandis que le reste du monde se dirige en enfer." (Dans la version originale : "There is a special place in hell (the Buddhist hells as well as the Christian one) reserved for those who refuse to give up the self-centered indifference that allows them to rest indefinitely on their cushions while the rest of the world goes to hell.") Chaque mot a son poids. Le qualificatif de "petit" (small) groupe terroriste pour désigner Al-Qaïda par opposition au "terrorisme d’état", sous-entendu de l’administration Bush, est maladroit et inutile, d’autant plus que Loy s’adresse d’abord à ses compatriotes américains. Il ne peut que susciter des réactions négatives alors que Loy plaide justement pour le dépassement des antagonismes.
En même temps que cet article, je lisais ce dimanche le nouveau livre de Thich Nhat Hanh publié en français, La paix en soi, la paix en marche (Albin Michel). Il y raconte notamment ses expériences et son cheminement au cœur la guerre du Viet-nam. Le contraste avec le texte de Loy est saisissant. On n’y trouve pas la moindre trace ni de ressentiment ni de colère malgré des épreuves d’une violence inouïe. Une très grande force se dégage de son propos. Il a su et sait affirmer son opposition avec tendresse et tranquillité. Il est juste.
Vous aurez aussi remarqué qu’à la question "Que ferait le Bouddha ?", Loy n’apporte aucune réponse concrète. C’est là aussi l’une des difficultés qui se répète sans cesse dans les textes des bouddhistes engagés.
En réalité, il ne peut y avoir de réponse spirituelle à des problèmes politiques. La politique ne désigne pas juste un art du vivre ensemble, c’est d’abord penser les institutions qui vont réguler les relations des différents acteurs sociaux. La politique est nécessairement inspirée par des valeurs, spirituelles ou autres, mais les réponses à l’institutionnalisation des trois poisons (l’avidité sous la forme de la société de consommation et de la course au profit, la haine, sous la forme de la course aux armement, l’ignorance sous la forme de la société du spectacle) ne pourront être que politiques.
Au fait, pour qui vais-je voter à l’élection présidentielle ?
Néanmoins, je suis quelque peu gêné par le ton de l’article. La colère, voire le ressentiment de Loy est assez palpable. Une phrase et un adjectif sont, au minimum, de trop. Promettre l’enfer à ceux qui méditent et n’agissent pas n’est pas du meilleur effet. Je cite : "Il existe une place spéciale en enfer (les enfers bouddhistes comme l’enfer chrétien) pour ceux qui refusent d'abandonner l’indifférence nombriliste qui leur permet de rester indéfiniment sur leur coussin tandis que le reste du monde se dirige en enfer." (Dans la version originale : "There is a special place in hell (the Buddhist hells as well as the Christian one) reserved for those who refuse to give up the self-centered indifference that allows them to rest indefinitely on their cushions while the rest of the world goes to hell.") Chaque mot a son poids. Le qualificatif de "petit" (small) groupe terroriste pour désigner Al-Qaïda par opposition au "terrorisme d’état", sous-entendu de l’administration Bush, est maladroit et inutile, d’autant plus que Loy s’adresse d’abord à ses compatriotes américains. Il ne peut que susciter des réactions négatives alors que Loy plaide justement pour le dépassement des antagonismes.
En même temps que cet article, je lisais ce dimanche le nouveau livre de Thich Nhat Hanh publié en français, La paix en soi, la paix en marche (Albin Michel). Il y raconte notamment ses expériences et son cheminement au cœur la guerre du Viet-nam. Le contraste avec le texte de Loy est saisissant. On n’y trouve pas la moindre trace ni de ressentiment ni de colère malgré des épreuves d’une violence inouïe. Une très grande force se dégage de son propos. Il a su et sait affirmer son opposition avec tendresse et tranquillité. Il est juste.
Vous aurez aussi remarqué qu’à la question "Que ferait le Bouddha ?", Loy n’apporte aucune réponse concrète. C’est là aussi l’une des difficultés qui se répète sans cesse dans les textes des bouddhistes engagés.
En réalité, il ne peut y avoir de réponse spirituelle à des problèmes politiques. La politique ne désigne pas juste un art du vivre ensemble, c’est d’abord penser les institutions qui vont réguler les relations des différents acteurs sociaux. La politique est nécessairement inspirée par des valeurs, spirituelles ou autres, mais les réponses à l’institutionnalisation des trois poisons (l’avidité sous la forme de la société de consommation et de la course au profit, la haine, sous la forme de la course aux armement, l’ignorance sous la forme de la société du spectacle) ne pourront être que politiques.
Au fait, pour qui vais-je voter à l’élection présidentielle ?
Mots-clés : David Loy, engagement
Imprimer | Articlé publié par Eric le 05 Déc. 06 |
le 05/12/2006
Bonjour,
Tu as probablement raison pour la colère. Je reconnais humblement ne pas être libéré moi-même de la colère, et ne pas être convaincu que toute colère est malsaine. A creuser (par moi).
Quand à l'enfer, je l'ai pris comme du second degré.
Pour les élections, je crains que tu n'aies le choix qu'entre 'Super-nanny' et le 'Proviseur', pour utiliser une métaphore télévisuelle.
Amicalement.
Jacques
le 05/12/2006
Bonsoir,
Ce texte me fait mal. Mal parce qu'il ne correspond pas à mon partage du zazen ou du bouddhisme en général. Je trouve ce texte bassement matérialiste et... nombriliste. Promettre l'enfer à ceux qui méditent et qui selon ses critères - de l'auteur - consomment à tord et à travers ; n'est-ce pas se promettre l'enfer à soi-même ?
Ce texte me fait aussi mal parce qu'il viendrait d'une personne en position de leader et qu'il peut enseigner la haine de l'autre. C'est si facile.
Mais finalement pourquoi est ce que ce texte me touche-t-il autant ?
Marie-Pierre
le 05/12/2006
Bonsoir,
Pour avoir participé à trois traductions de D.Loy, je peux avouer qu'à chaque fois j'ai ressenti un mélange d'agacement et de respect.
Agacement devant l'exagération de certains propos, et l'absence de propositions.
Respect pour un homme qui ose jouer ce rôle ingrat d'éveilleur des consciences, dans une Amérique qui doit être loin de partager ses opinions.
Et à chaque fois, je suis quand même allé au bout du texte.
Il touche donc peut-être quelque chose de sensible en nous ?
Amitiés,
Georges
le 06/12/2006
Dans son article, présenté dimanche, David loy compare le terrorisme d'Al-Qaïda au terrorisme d'état. Ce dernier étant jugé plus nocif, du fait que la quantité de sang versé par les deux camps pencherait en sa faveur ... laissons lui le concept de "terrorisme d'état", et la hiérarchie du macabre, pour constater plus simplement que le système Bush et le terrorisme d'Al-Qaïda s'auto-alimentent mutuellement pour produire du mensonge, de l'horreur, et du sang.
Il n'y a donc pas lieu de les opposer mais de voir au contraire ce qui est similaire dans ces modes de penser le monde.
Rappelons aussi, que la démocratie, jugée par certains comme le moins pire des systèmes, permet de modifier la donne à chaque élection ( Bush sera remplacé). Et qu'entre chacune d'elles je peux faire, ici et maintenant, ce que je peux, à une échelle individuelle et collective (associative, syndicale, politique), pour être le plus juste possible, en conservant à l'esprit que "je ne suis rien d'autre que ce monde".
Rien d'autre que ce monde...
Si David Loy utilise le ton de la colère et une forme culpabilisante pour le lecteur, c'est sans doute qu'il ressent une certaine impuissance au regard des différentes urgences énoncées. On peut le comprendre en effet.
Vincent P.