La tradition nyohô est une tradition d’humilité et de pauvreté. Il s’agit d’un style de pratique qui aujourd’hui se perpétue dans quelques lignées des écoles japonaises Zen et Shingon risshû. L’école Shingon risshû (« l’école de la discipline de la parole sacrée ») est une petite école fondée au XIIIe siècle par un moine du nom de Eison (1201-1290). Elle combine la pratique tantrique (vajrayâna, en japonais shingon) et la discipline monastique (vinaya, en japonais ritsu).

Nyohô signifie « conforme au dharma ». On attendrait que toutes les écoles bouddhistes soient conformes à l’enseignement du Bouddha, pourquoi cette tradition s’intitule-t-elle de la sorte ? Il faut revenir au contexte de
l’époque Edo. À cette époque, un même sentiment prévaut, partagé de tous, que le bouddhisme japonais, toutes écoles confondues, a oublié sa vocation la plus profonde. Les moines sont perçus comme des affairistes. Ils mènent grand train, ils entretiennent des concubines.

Pour tous ceux qui recherchaient une voie d’authenticité, la conformation au dharma passait inévitablement par les retrouvailles de la vie monastique. De nombreux essais sur les règles des moines sont alors publiés. Ces règles témoignent d’une pratique du quotidien. Le moine épouse l’ordinaire, il mange, il s’habille, il dort. Et pourtant en épousant instant après instant l’ordinaire, il s’exerce à quelque chose d’autre. Tous ses actes sont ouverture à l’indicible et au sacré. Il ne vit que l’extraordinaire.

La tradition nyohô remonte au moine de l’école Shingon risshû,
Jiun sonja. Convaincu que le retour au bouddhisme traditionnel devait dépasser les clivages sectaires, il fonda, non une école à proprement parler, mais une tradition non-sectaire qu’il nomma Shôbô ritsu, « La discipline du vrai dharma». Dans sa vision, la conformité au dharma impliquait nécessairement de se conformer aux vinaya, les antiques règles monastiques indiennes.

Au début du vingtième siècle, deux moines zen de
l’école Sôtô, Ekô Hashimoto et Kôdô Sawaki, étudièrent ensemble les ouvrages de Jiun sonja. Ils intégrèrent cette tradition nyohô dans leur propre pratique, notamment par le port d’un vêtement spécifique, le nyohôe, « le vêtement conforme au dharma ». Jiun était critique de l’aspect sectaire. Mais Hashimoto comme Sawaki, même s’ils furent l’un et l’autre critiques de leur école, ne militèrent pas en faveur d’un mouvement non-sectaire. Ils voulaient plutôt restaurer l’enseignement authentique de Dôgen, le fondateur de l'école Sôtô. La tradition zen ne suit pas les vinaya, les codes indiens, et pour Hashimoto et Sawaki, la tradition nyohô signifiait plutôt se conformer méticuleusement aux règles monastiques propres de l’école Zen. Tout particulièrement, Ekô Hashimoto soulignait l’importance d’une pratique monastique conforme aux enseignements de Dôgen qui écrivit lui-même de nombreux ouvrages sur la vie et les règles du moine. À la différence d’Hashimoto, Sawaki, qui était un moine itinérant, ne mit pas autant l’accent sur la vie communautaire.

Ci-dessous, une statue de Jiun sonja conservée au temple de Chôeiji, l'un des temples de la tradition Shingon risshû. On remarque que Jiun tient les deux pans de son vêtement de la main gauche. Dans la main droite, il tient un
vajra
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