Pour Anshu, et pour toutes les "mains", une brève relation de la vie de Niwa Bukkan Myôkoku (1862-1904), l'un des maîtres de notre lignée d'après Le maître Niwa Bukkan de Ōuchi Seiran (1845-1918). La photographie est extraite de cet ouvrage.



Niwa Bukkan naquit le 19 du 9e mois de la 2e année de l’ère Bunkyû (1862). Il était le fils aîné de Terada Den’emon qui habitait Magarikane à Toyoda (anciennement le village de Magarikane, aujourd’hui dans la ville de Shizuoka). Son père qui souhaitait un garçon lui donna le nom de Saikichi. D’une intelligence précoce, l'enfant fut envoyé à l'âge de six ans, à l’école du temple (terakoya) voisin d’Hôzôji. L’école était surpeuplée avec plus de soixante-dix enfants, les bouleversements sociaux d’alors avaient conduit nombre de vassaux des Tokugawa à s’établir dans la région de Shizuoka et leurs enfants avaient grossi les rangs de l’école.

Saikichi perdit sa mère à l’âge de sept ans. Les mois passèrent. Un jour, l’enfant au tempérament secret s’adressa directement au maître Masuda Zuimyô, l’abbé du temple de Hôzôji. Les mains jointes, il lui demanda de devenir moine car il voulait prier pour le repos de sa mère. Venant de Saikichi, l’un des plus brillants élèves, la demande interpella le maître. Ému par sa sincérité enfantine, Zuimyô s’en ouvrit peu après au père. Ce dernier n’était pas au courant des intentions de son jeune fils et il ressentit plutôt de l’accablement, sa femme était décédée et il ne voyait pas son premier fils le quitter. Mais devant l’insistance de Saikichi, Den’emon finit par accepter. À mesure que la date retenue pour l’ordination approchait, Totsuka Chûjiemon, un riche fermier du village voisin d’Arido sollicitait régulièrement Den’emon. Avant l’ordination, il voulait faire de Saikichi son fils adoptif. Celui-ci avait perdu ses quatre filles et il n’avait qu’un seul garçon. Le père de Saikichi accepta la demande et l’enfant fut officiellement adopté par la famille Totsuka. L’ordination eut lieu le 15 février de Meiji 6 (1873), le jour où l’on commémore le parinirvâna, autrement dit la mort du Bouddha. Il avait dix ans. Le jeune Totsuka, né Terada, prit alors le nom de famille de son maître d’ordination, Masuda. Les changements de nom ne sont pas inhabituels au Japon... Par la suite, il prit le nom de Niwa sous lequel il est connu.

La nouvelle loi sur la scolarité de Meiji 5 (1872) créait l’école obligatoire pour tous. L’école du temple fut fermée et l’école élémentaire de Nishitoyoda s’ouvrit à proximité du temple. La maturité du jeune Bukkan était connue de tous et le directeur de l’école proposa qu’il devienne instituteur-assistant. À douze ans, il enseignait aux jeunes enfants. Après la répression anti-bouddhiques des années 1868-1872, le gouvernement enrôla les bonzes dans sa promotion du patriotisme national. Il fit alors nommé instructeur religieux (kyôdôshoku) de 14e catégorie. Malgré son jeune âge, il donnait des sermons au sanctuaire shintô de Sengen jinja.

En mai de Meiji 9 (1876), Bukkan, encore adolescent, entra au temple de Tôkei’in, dans le district d’Abe, qui était alors dirigé alors par le maître Kôchi Chijô, pour y poursuivre son apprentissage du zen. Il allait y rester sept ans. En Meiji 12 (1879), il tint la fonction de  premier moine (shusô) pendant la retraite des moines au temple de Zuikôji (aujourd’hui à Shizuoka-shi Anzai) sous la direction du maître Shibata Fumon. Après avoir terminé ses études au collège, il reçut la transmission (shihô) de son maître Masuda Zuimyô. Immédiatement après, il entrait à l’université qu’il quitta en Meiji 18 (1885). La même année, il accomplit la cérémonie du changement de vêtement (ten’e) au temple d’Eiheiji qui lui donnait le rang de grand maître (daioshô) au sein de l’école sôtô. Au printemps de Meiji 19 (1886), il revint au temple de Hôzôji.

En mai de Meiji 20 (1887), Tanaka Reizui, l’abbé du temple du Ryûun’in, au village de Sodeshi, district d’Ihara (aujourd’hui Shizuoka-shi Ihara sur la baie de Suruga), disparaissait. Par testament, Reizui laissait la direction du temple à Bukkan. Il y demeura près de dix ans. Au printemps de Meiji 29 (1896), il devint le nouvel abbé de Tôkei’in, le maître Kôchi Chijô ayant été appelé pour prendre la direction du temple de Shuzenji à Izu. Malgré une santé délicate, Bukkan fut particulièrement actif pendant toutes ses années, courant d’une conférence à une autre. Avec l’aide d’une vingtaine de temples de la région de Shizuoka, il organisa un réseau d’études pour approfondir les connaissances bouddhiques. En été, il était régulièrement invité au temple de Rinsô’in, et l’hiver à Tôkei’in. En Meiji 21 (1888), il occupa la fonction de professeur (kyôshi) au Zôshun’in ; pour la retraite d’été, il était au temple de Sôjôji, et pour la retraite d’hiver au temple de Shôtokuji. En Meiji 22 (1880), il était l’assistant de Kôchi Chijô à Tôkei’in. Une fois devenu abbé de Tôkei’in, il se soucia du développement du temple qui, malgré son passé prestigieux, n’avait guère d’argent. Grâce à la famille Ishigami et aux fidèles du temple, les cuisines furent reconstruites et le toit du pavillon principal refait. Bukkan fit également planter plus de six cents pruniers dans les champs aux alentours.

En janvier de Meiji 25 (1892), le maître Morita Goyû (1834-1915) prit la charge de 64e abbé d’Eiheiji et Bukkan devint son assistant personnel (jisha). Il l’assista douze ans durant à Eiheiji. L’hiver de Meiji 36 (1903), il se plaignit de violents maux d’estomac et fut brièvement hospitalisé. La douleur d’estomac disparut mais d’intolérables douleurs le prirent aux reins. Il continua cependant d’assister le maître Morita pendant tout le mois de décembre, participant à la retraite du 1er au 8 décembre (rôhatsu sesshin). Le 29, il se rendit à Tôkei’in pour le nouvel an. Après une brève rémission, son état empira et il mourut le 27 février de Meiji 37 (1904). Il n’avait pas 42 ans. Beaucoup voyaient déjà en lui l’un des futurs directeurs de l’école sôtô. Les funérailles eurent lieu à Tôkei’in et furent dirigées par Masuda Zuimyô. Malgré la distance, le maître Morita assista en personne à la cérémonie.

Bukkan eut trois successeurs : Niwa Butsuan, abbé de Tôkei’in, Tanaka Taimyô, abbé de Ryûun’in (préfecture de Shizuoka) et Asahina Butsusen, abbé de Sôshinji (préfecture  de Saitama).


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