Billet invité, un texte de Serge Renaudie :

Dès potron-minet, dans mon bain-méditatif, grâce à la vacuité qui nous relie, j’entrais en communication avec le pommeau de douche (Dans le bouddhisme, il n’y a pas de différence entre les être animés et ceux qui ne le sont pas). Après m’avoir laissé ressentir son existence de pommeau de douche, il me fit part de ses problèmes : l’eau chlorée, le calcaire, les diverses saletés qui bouchent ses trous si délicieusement fins, etc…. Il ne tarissait plus. Je compris alors pourquoi le bouddhisme ajoute à la vacuité, la notion très particulière de compassion. Et je compris alors pourquoi la compassion ne consiste pas à se noyer dans le bain des lamentations mais à accepter simplement la souffrance des autres sans qu’elle n’affecte le coeur de notre stabilité. Comme le rappelle Éric Rommeluère dans sa note du 9 mai 2011 du fond de son ermitage au Mans, la notion d’attachement et de non-attachement n’existe pas dans le bouddhisme. L’attachement est source de souffrance mais le non-attachement l’est tout également par son rapport obligatoire à son contraire (La souffrance naît de la dualité). Il s’agit donc ni de transférer avec le pommeau de douche ni de l’ignorer. Il me faut donc être à l’écoute tout en étant strictement moi-même, indissoluble en l’autre. Il s’agit de transformer mes liens avec ce qui m’entoure, au point qu’il ne s’agit plus d’entourage de ma personne mais de moi-même au sein d’un seul ensemble. Cette disposition éloigne bien entendu l’indifférence mais également la fusion en l’autre. Éric Rommeluère parle “d’équanimité” qui se rapproche de sérénité. Il me faut donc rester serein à l’écoute des soucis de mon pommeau de douche sans nier leur réalité.

Comme en urbanisme, il faut intégrer la réalité de tout ce qui compose un site, humains, végétaux, animaux, roches, eau, vent, etc… en toute égalité et en toute sérénité. C’est à dire sans courir derrière les élus pour encenser leurs dires, sans faire des déclarations préromptoires sur l’environnement et la nature, sans prétendre résoudre la manière de vivre ensemble des habitants, sans prétendre non plus savoir comment ce nouveau quartier pourra bien évoluer...

Cela m’amène à comprendre pourquoi le terme vacuité a été souvent découpé par telle ou telle obédience du bouddhisme afin de rendre la richesse de cette expérience. Après la vacuité qui me met en relation avec le monde des existants, il s’agit d’accéder à la vacuité qui me met en relation avec moi-même comme vide, comme “existant de n’exister pas seul”. A la fois sans essence mais sans absence d’existence. Bon, le téléphone sonne...

On comprend quand même que la retraite dans un ermitage dans les hautes montagnes facilite les choses. Pas de bain chaud ni de pommeau de douche, mais pas de téléphone qui sonne toujours quand on prend son bain ni de facture. Pas de fille ainée qui vous envoie ses baisers mais pas non plus à se soucier de la poursuite au tribunal dont elle fera l’objet si elle ne paye pas ce livre qu’elle n’a jamais retourné. Pour cesser toute balance entre bonheur et malheur, la retraite ce doit être pas mal… quoiqu’il faille avoir la stabilité bien accrochée.

Serge Renaudie

est urbaniste, paysagiste et architecte.

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