Maha Ghosananda
Une journaliste de Radio France Internationale m'appelle et m'apprend la mort de Maha Ghosananda qui s'est éteint lundi 12 mars aux États-Unis. Elle voulait que je lui parle de l'implication de Maha Ghosananda dans le mouvement des bouddhistes engagés.
Voilà un article que j'avais publié en septembre 1998 sur celui que la presse avait surnommé "le Gandhi du Cambodge" :
A l'occasion des élections législatives cambodgiennes du 26 juillet dernier, une grande marche pacifique d'une semaine a été conduite par le vénérable Maha Ghosananda, l'un des bouddhistes les plus actifs et les plus respectés dans son pays. Celui qu'on surnomme "le Gandhi du Cambodge", n'en est pas à son coup d'essai. Les dhammayietra, les "marches de la vérité" qu'il organise depuis 1992 malgré les difficultés, les oppositions et parfois les événéments tragiques (des participants furent abattus en 1995) sont devenus au fil des années des événements nationaux. L'année dernière, l'une de ces marches avait pu rejoindre pour la première fois Pailin, le bastion des anciens Khmers Rouges. Là, elle fut accueillie par Ieng Sary, l'ancien ministre et le beau-frère de Pol Pot, pourtant responsable de la mort de plusieurs milliers de moines cambodgiens pendant les années de terreur. Maha Ghosananda, dont toute la famille fut assassinée par les Khmers Rouges, entend par de telles actions prôner la réconciliation nationale. Dans un pays où les ressentiments restent tenaces et les violences quotidiennes, ces marches pour la paix ne sont pas simplement symboliques : les marcheurs de la vérité savent qu'ils peuvent effectivement risquer leur vie. Avant de partir, les organisateurs leur font signer un engagement dans lequel ils déclarent reconnaître que "leur participation à cet événement peut faire courir des risques à leur intégrité physique." Ils doivent également participer à un programme préparatoire avant de se joindre aux dhammayietra. Non seulement ils doivent connaître la doctrine bouddhiste et les principes qui guident Maha Ghosananda mais ils doivent aussi savoir réagir en cas de difficulté ou d'agression. Un véritable entraînement, avec mise en situations est organisé afin que les participants puissent adopter attitude strictement non-conflictuelle, non-partisane et non-violente.
Interviewé lors d'une de ces marches, le vénérable Maha Ghosananda avait ainsi justifié son action : "Voici l'heure de la paix, voici l'heure où nous pouvons résoudre tous nos problèmes par la non-violence. Chaque pas est une prière, chaque pas est une méditation, chaque pas construit un pont. Avec les bâtisseurs de la paix de toutes confessions, nous construisons chaque jour la paix car nous savons que bâtir la paix demande un effort continuel. Il n'a pas de début et n'aura pas de fin. Nous continuerons à prier, marcher et agir pour la paix. Et nous marcherons jusqu'à ce que le Cambodge soit apaisé."
Cette fois-ci, Maha Ghosananda a conduit du 18 au 24 juillet quelques deux mille cinq cent moines, laïcs et activistes du monastère de Wat Piem Mongkulborei jusqu'à Pnom Penh. Un parcours de 80 kilomètres le long des routes des provinces de Takeo et de Kandal. Et c'est dans une ambiance survoltée, la veille du scrutin, que le vénérable a délivré son message de paix et de respect mutuel aux habitants de la capitale.
Les élections législatives du 26 juillet dernier étaient les premières depuis celles organisées voici cinq ans sous l'égide des Nations-Unies. Comme on pouvait s'y attendre, la campagne a été marquée par des tensions entre les partisans des trois principales formations politiques, le Parti du Peuple Cambodgien d'Hun Sen (les ex-communistes au pouvoir) et les deux partis d'opposition, le Funcinpec, le parti du Prince Norodom Ranariddh (royalistes) et le Parti de Sam Raimsy, l'ancien ministre des Finances (démocrates libéraux). Quelques attentats ont même été signalés et un attaque des Khmers Rouges a ensanglanté un bureau de vote dans le nord du Pays. Les élections ont été remportées par le parti des anciens communistes avec 41,4 % des voix. La situation reste politiquement instable, le Parti du Peuple ne bénéficiant pas d'un nombre suffisant de sièges pour gouverner seul. Alors qu'Hun Sen a appellé le Funcinpec à former une coalition gouvernementale, les deux partis d'opposition n'ont toujours pas défini leur position. Le royaume du Cambodge n'en finit pas de panser ses blessures et il fort à parier que Maha Ghosananda, déjà nominé plusieurs fois pour le Prix Nobel de la Paix, marchera encore longtemps.
Voilà un article que j'avais publié en septembre 1998 sur celui que la presse avait surnommé "le Gandhi du Cambodge" :
A l'occasion des élections législatives cambodgiennes du 26 juillet dernier, une grande marche pacifique d'une semaine a été conduite par le vénérable Maha Ghosananda, l'un des bouddhistes les plus actifs et les plus respectés dans son pays. Celui qu'on surnomme "le Gandhi du Cambodge", n'en est pas à son coup d'essai. Les dhammayietra, les "marches de la vérité" qu'il organise depuis 1992 malgré les difficultés, les oppositions et parfois les événéments tragiques (des participants furent abattus en 1995) sont devenus au fil des années des événements nationaux. L'année dernière, l'une de ces marches avait pu rejoindre pour la première fois Pailin, le bastion des anciens Khmers Rouges. Là, elle fut accueillie par Ieng Sary, l'ancien ministre et le beau-frère de Pol Pot, pourtant responsable de la mort de plusieurs milliers de moines cambodgiens pendant les années de terreur. Maha Ghosananda, dont toute la famille fut assassinée par les Khmers Rouges, entend par de telles actions prôner la réconciliation nationale. Dans un pays où les ressentiments restent tenaces et les violences quotidiennes, ces marches pour la paix ne sont pas simplement symboliques : les marcheurs de la vérité savent qu'ils peuvent effectivement risquer leur vie. Avant de partir, les organisateurs leur font signer un engagement dans lequel ils déclarent reconnaître que "leur participation à cet événement peut faire courir des risques à leur intégrité physique." Ils doivent également participer à un programme préparatoire avant de se joindre aux dhammayietra. Non seulement ils doivent connaître la doctrine bouddhiste et les principes qui guident Maha Ghosananda mais ils doivent aussi savoir réagir en cas de difficulté ou d'agression. Un véritable entraînement, avec mise en situations est organisé afin que les participants puissent adopter attitude strictement non-conflictuelle, non-partisane et non-violente.
Interviewé lors d'une de ces marches, le vénérable Maha Ghosananda avait ainsi justifié son action : "Voici l'heure de la paix, voici l'heure où nous pouvons résoudre tous nos problèmes par la non-violence. Chaque pas est une prière, chaque pas est une méditation, chaque pas construit un pont. Avec les bâtisseurs de la paix de toutes confessions, nous construisons chaque jour la paix car nous savons que bâtir la paix demande un effort continuel. Il n'a pas de début et n'aura pas de fin. Nous continuerons à prier, marcher et agir pour la paix. Et nous marcherons jusqu'à ce que le Cambodge soit apaisé."
Cette fois-ci, Maha Ghosananda a conduit du 18 au 24 juillet quelques deux mille cinq cent moines, laïcs et activistes du monastère de Wat Piem Mongkulborei jusqu'à Pnom Penh. Un parcours de 80 kilomètres le long des routes des provinces de Takeo et de Kandal. Et c'est dans une ambiance survoltée, la veille du scrutin, que le vénérable a délivré son message de paix et de respect mutuel aux habitants de la capitale.
Les élections législatives du 26 juillet dernier étaient les premières depuis celles organisées voici cinq ans sous l'égide des Nations-Unies. Comme on pouvait s'y attendre, la campagne a été marquée par des tensions entre les partisans des trois principales formations politiques, le Parti du Peuple Cambodgien d'Hun Sen (les ex-communistes au pouvoir) et les deux partis d'opposition, le Funcinpec, le parti du Prince Norodom Ranariddh (royalistes) et le Parti de Sam Raimsy, l'ancien ministre des Finances (démocrates libéraux). Quelques attentats ont même été signalés et un attaque des Khmers Rouges a ensanglanté un bureau de vote dans le nord du Pays. Les élections ont été remportées par le parti des anciens communistes avec 41,4 % des voix. La situation reste politiquement instable, le Parti du Peuple ne bénéficiant pas d'un nombre suffisant de sièges pour gouverner seul. Alors qu'Hun Sen a appellé le Funcinpec à former une coalition gouvernementale, les deux partis d'opposition n'ont toujours pas défini leur position. Le royaume du Cambodge n'en finit pas de panser ses blessures et il fort à parier que Maha Ghosananda, déjà nominé plusieurs fois pour le Prix Nobel de la Paix, marchera encore longtemps.
Mots-clés : Cambodge, engagement, non-violence
Imprimer | Articlé publié par Eric le 14 Mars 07 |
le 15/03/2007
Quel exemple que ces êtres qui se battent et prennent tous les risques pour tenter de réconcilier tous les opposés, près à s'engager pour l'éternité de tous les instants dans un combat sans fin au service des autres. Car il y aura toujours un maux de trop et peut-être un mot aussi..?
Pourquoi accoler "engagé" au mot bouddhisme ? N'est-ce pas son essence ? (même si je comprend bien le contexte de cet emploi). Vivre au sortir du ventre de nos mères est déjà un engagement, respirer, expérimenter le feu brûlant (comme dirait un certain auteur) des joies et des peines est engagement de fait.
Le bouddhisme est cet espace entre les opposés, il est le vivre au sens le plus large (grand). A ce titre, le mot bouddhisme est peut-être lui aussi de trop. il nous faudra bien abandonner la barque pour nous permettre d'aller sur l'autre rive qui est le chemin.
Problème de mots donc (mais y a t'il un problème ?) pour parler de la difficulté du vivre ; comment nous laisser plonger au coeur de tout ça. Je crois qu'il faudra bien laisser l'immense peur nous visiter. Car agrandir au-delà des opposés est le secret mais grandir "en conscience" fait peur!
Mais tout ça ne sont que des mots de trop. Merci donc à ces "grands" hommes d'action.
Bien à tout,
Wilfried