Je reçois un courrier de Marie à propos des derniers billets. Elle m’écrit : "Je pratique depuis peu dans un groupe zen et, moi aussi, je suis gênée par le kyôsaku. Il me semble être perpétuellement sous surveillance."

Au fond, la question n’est pas : faut-il ou non utiliser le kyôsaku, ce bâton qui sert pendant la méditation à frapper les épaules des méditants endormis, mais que veut-on expérimenter au juste ? La méditation n’est pas simplement la recherche de la tranquillité intérieure mais une pratique de libération. Or, on ne glisse pas de la tranquillité à la libération, un saut intérieur est nécessaire. Le maître zen Dôgen parle de l’abandon du corps et de l’esprit. La tranquillité est un équilibrage des conditions mentales, mais n’est pas différente de ces conditions. La tranquillité crée juste les conditions de la rupture intérieure. Voilà pourquoi les manuels de méditation conseillent de s’asseoir dans une pièce silencieuse, d’avoir suffisamment dormi, etc. Il paraît difficile de s’abandonner si l’on se sent perpétuellement surveillé. Dôgen dit quelque chose comme : "Vous abandonnez alors votre propre corps-esprit et le corps-esprit de l’autre." Dans le zen rinzai, on utilise le kyôsaku avec force et bruit pour créer un état de tension psychologique très forte. Le jikidô, le responsable de la méditation peut même crier et frapper les personnes. Plus la tension sera importante, plus la détente, c’est-à-dire l’éveil (satori), sera intense. Au contraire, dans le zen sôtô que je pratique, on s’efforce au non-regard, au non-jugement, à la non-manipulation. L’approche de l’éveil est radicalement différente. Dans la salle de méditation, on perçoit l’autre, mais l’autre me laisse tel que je suis. Et tel que je suis, je peux entrer avec douceur dans une dimension intérieure où finalement l’autre n’est plus objectivable. C’est l’état non-duel de la conscience.

 

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