La signification du kesa
Si vous pratiquez dans la tradition du zen Sôtô, je vous recommande fortement la lecture de la thèse de doctorat de Diane Riggs soutenue il y a peu : «The Cultural and Religious Significance of Japanese Buddhist Vestments». Cette thèse est consacrée au renouvellement de la tradition du kesa au Japon, particulièrement dans l’école Sôtô au début du XXe siècle avec les recherches des moines Kôdô Sawaki et Ekô Hashimoto.
L’intégralité de la thèse est téléchargeable au format pdf sur le site de Proquest, un service (payant) de mise en ligne des thèses américaines.
Diane Riggs pratique dans la mouvance du Zen Center of San Francisco depuis plusieurs dizaines d’années où elle a été initiée à la couture du kesa par Jôshin Sakai, une disciple directe de Sawaki. Elle a poursuivi ses études sur le kesa au Japon et a publié quelques articles remarqués. Elle a achevé l’année dernière un doctorat, fruit de plusieurs années de travail.
Riggs s’étend largement sur le conflit qui opposa à la fin du XIXe siècle, Eiheiji et Sôjiji, les deux principaux monastères de l’école Sôtô, sur la forme du kesa et notamment sur l’usage du rakusu, le petit kesa à cinq bandes que les pratiquants du zen portent aujourd’hui autour du cou (photographie ci-dessous). Le monastère d’Eiheiji suivait la règle de porter un kesa à cinq bandes qui couvre tout le corps et refusait l’usage du rakusu en s’en référant à Dôgen («Ceux qui rapetissent le kesa ont l’esprit rapetissé» écrivait Dôgen dans le chapitre «La transmission de la robe» de son Shôbôgenzô). En 1886, un compromis fut signé entre les deux monastères et l’on rendit obligatoire pour tous le port du rakusu avec anneau. Car la question de l’usage de l’anneau était aussi au cœur du conflit.
Sawaki et Hashimoto se singularisent au début du XXe siècle car ils proposent leurs propres modèles fort différents de ceux édictés par le compromis de 1886. Ils reprennent les travaux de quelques uns de leurs prédécesseurs, comme Jiun sonja (1718-1804), un moine de l’école Shingon ritsu qui fonda un mouvement non-sectaire, La discipline du vrai dharma (shôbôritsu).
La thèse est dense même si plusieurs points auraient pu être développés. Riggs n’évoque pas notamment les différences des patrons utilisés dans les lignées de Sawaki et d’Hashimoto. Elle rapporte qu’il n’y a «que de légères différences dans les styles» (p. 259). Si effectivement, les différences peuvent paraître infimes pour des néophytes, au sein même de ces lignées, ces différences sont considérées comme essentielles, avec force disputes. La différence principale réside dans le placement des pièces de tissu : asymétriquement chez Sawaki, symétriquement chez Hashimoto.
Méthode Sawaki :
Méthode Hashimoto :
Sawaki reprit une instruction secrète (口伝 kuden) transmis dans les lignées de Jiun sonja dite 半葉増し han’yô mashi, “l’allongement d’un demi surplis”, qui consiste à rallonger les petites pièces de la moitié de la longueur des surplis intérieurs. Hashimoto ne reprit pas cette méthode. Dans les lignées de Sawaki, cette instruction fait l’objet de longues discussions mais toujours sous une forme orale car on respecte qu’il s’agisse d’un instruction secrète. On ne trouvera donc jamais d’explications détaillées dans les livres publiés au Japon où l’on se contente simplement d'indiquer que l’on allonge les pièces d’un demi surplis.
L’intégralité de la thèse est téléchargeable au format pdf sur le site de Proquest, un service (payant) de mise en ligne des thèses américaines.
Diane Riggs pratique dans la mouvance du Zen Center of San Francisco depuis plusieurs dizaines d’années où elle a été initiée à la couture du kesa par Jôshin Sakai, une disciple directe de Sawaki. Elle a poursuivi ses études sur le kesa au Japon et a publié quelques articles remarqués. Elle a achevé l’année dernière un doctorat, fruit de plusieurs années de travail.
Riggs s’étend largement sur le conflit qui opposa à la fin du XIXe siècle, Eiheiji et Sôjiji, les deux principaux monastères de l’école Sôtô, sur la forme du kesa et notamment sur l’usage du rakusu, le petit kesa à cinq bandes que les pratiquants du zen portent aujourd’hui autour du cou (photographie ci-dessous). Le monastère d’Eiheiji suivait la règle de porter un kesa à cinq bandes qui couvre tout le corps et refusait l’usage du rakusu en s’en référant à Dôgen («Ceux qui rapetissent le kesa ont l’esprit rapetissé» écrivait Dôgen dans le chapitre «La transmission de la robe» de son Shôbôgenzô). En 1886, un compromis fut signé entre les deux monastères et l’on rendit obligatoire pour tous le port du rakusu avec anneau. Car la question de l’usage de l’anneau était aussi au cœur du conflit.
Sawaki et Hashimoto se singularisent au début du XXe siècle car ils proposent leurs propres modèles fort différents de ceux édictés par le compromis de 1886. Ils reprennent les travaux de quelques uns de leurs prédécesseurs, comme Jiun sonja (1718-1804), un moine de l’école Shingon ritsu qui fonda un mouvement non-sectaire, La discipline du vrai dharma (shôbôritsu).
La thèse est dense même si plusieurs points auraient pu être développés. Riggs n’évoque pas notamment les différences des patrons utilisés dans les lignées de Sawaki et d’Hashimoto. Elle rapporte qu’il n’y a «que de légères différences dans les styles» (p. 259). Si effectivement, les différences peuvent paraître infimes pour des néophytes, au sein même de ces lignées, ces différences sont considérées comme essentielles, avec force disputes. La différence principale réside dans le placement des pièces de tissu : asymétriquement chez Sawaki, symétriquement chez Hashimoto.
Méthode Sawaki :
Méthode Hashimoto :
Sawaki reprit une instruction secrète (口伝 kuden) transmis dans les lignées de Jiun sonja dite 半葉増し han’yô mashi, “l’allongement d’un demi surplis”, qui consiste à rallonger les petites pièces de la moitié de la longueur des surplis intérieurs. Hashimoto ne reprit pas cette méthode. Dans les lignées de Sawaki, cette instruction fait l’objet de longues discussions mais toujours sous une forme orale car on respecte qu’il s’agisse d’un instruction secrète. On ne trouvera donc jamais d’explications détaillées dans les livres publiés au Japon où l’on se contente simplement d'indiquer que l’on allonge les pièces d’un demi surplis.
Mots-clés : Jiun sonja, kesa, kuden, Kôdô Sawaki, Ekô Hashimoto, rakusu, Shôbôgenzô, zen sôtô
Imprimer | Articlé publié par Jiun Éric Rommeluère le 18 Août 11 |