L'univers d’internet double et paraît supplanter la vie réelle. Pourtant rien ne peut la remplacer : sauter d’hyperlien en hyperlien peut nous donner le fantasme que nous sommes les uns et les autres connectés ou que nous sommes en prise avec le monde, mais il s’agit de liens illusoires qui à chaque instant peuvent s’effacer et s’oublier. Sur un coup de tête, je peux faire disparaître d’un seul clic tous mes « amis » sur Facebook sans qu’il m’en coûte vraiment. Mais qui sont mes amis sur Facebook ? Dans la vie réelle, mes amitiés, elles, ne peuvent s’abolir si facilement, car elles sont entremêlées de souvenirs, de projets, de désirs et aussi d’émotions et de sensations. Nos liens ont des histoires ; nos liens tissent notre vie.

En fait, nous avons besoin d’ancrer nos questionnements dans notre chair. Un échange de questions et de réponses sur le zen par internet, quelle que soit l’intensité des questions et la pertinence des réponses, n’ont aucune commune mesure avec un véritable dialogue. Le questionnement suppose de vous mettre réellement en chemin. Vous endossez votre pardessus, vous quittez physiquement votre territoire, vos repères et votre confort, vous traversez des espaces inconnus au risque d’avoir froid, d’être fatigué, d’être désorienté ou même d’être perdu, car c’est tout votre être qui se met alors en chemin. Le questionnement devient l’affaire de votre corps et de votre esprit. Et enfin vous frappez à une porte et vous êtes là, devant quelqu’un qui vit, tout comme vous.

Si vous être touché par la voie du zen et par le dharma, je ne peux que vous recommander de vous mettre en quête dans votre corps et dans votre esprit. Cela sera plus difficile, cela sera plus long, mais le chemin n’existe qu’ainsi. Il y a une dizaine d’années, j’étais avec Gudô, le vieil homme, dans le centre zen qu’il animait à Tôkyô. Un peu mélancolique, il me dit : « Je reste toute la journée dans ma chambre et j’attends que quelqu’un vienne frapper à ma porte. Mais personne ne vient. » Le maître zen attend toujours qu’on vienne frapper à sa porte, non seulement la journée, mais la nuit aussi. Pourquoi ne vous mettriez-vous pas en quête ?

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