La notion de sujet en japonais
Tout étudiant de la langue japonaise (que l’on étudie la langue classique ou la langue moderne) devrait lire la lumineuse thèse de Takehiro Kanaya, La notion de sujet en japonais (téléchargement libre). Toutes les difficultés rencontrées s’évanouissent dès que l’on cesse d’imaginer que la phrase japonaise serait nécessairement constituée d’un sujet et d’un prédicat. En français, le binôme sujet-prédicat forme le couple irréductible de la phrase. Le sujet est indispensable au prédicat qui s’accorde en genre et en nombre, il faut écrire, par exemple, «je [sujet] lis [prédicat]» ou bien «il [sujet] lit [prédicat]» pour créer une unité de sens minimale.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les Japonais ont adopté une présentation calquée sur les grammaires occidentales et parlent communément d’une structure sujet (shugo)-prédicat (jutsugo) comme si celle-ci était universelle et s’appliquait également à leur langue. En japonais, un prédicat peut être un verbe, un adjectif, un verbe adjectival ou une copule.
Kanaya explique que cette structure binaire est inopérante pour décrire la phrase japonaise. Le prédicat se suffit à lui seul pour créer une unité de sens, par exemple yomu. Dans cette proposition constituée du seul verbe yomu, «lire» conjugué à la forme conclusive, le sujet n’est pas omis (soustrait), même s’il est nécessaire d’ajouter en français un sujet indispensable à la compréhension de la phrase. Yomu sera alors traduit par «je lis» ou «il lit». L’apport de Tanaya est de montrer que toutes les autres unités de la phrase ne sont que des compléments du prédicat, y compris le sujet.
Appréhender la phrase japonaise de cette façon permet de mieux comprendre le rôle de la particule wa, souvent interprétée à tort comme la marque du sujet (dans la langue classique). Si j’écris zenji wa yomu, une traduction immédiate s’ensuit «le maître zen lit», mais cette reconstruction signifiante en français ne correspond nullement à une hypothétique structure sujet-prédicat en japonais.
Wa ne marque pas le sujet mais le thème de la phrase que l’on pourrait rendre par une formule comme «quant à, s’agissant de, concernant». La thème occupe également une fonction de complément du prédicat.
La différence entre thème et sujet peut être compris avec une phrase qui comporte à la fois un thème et un sujet, par exemple : zô wa karada dai nari, lit. «quant à [l’]éléphant, [son] corps est grand». Zô, «l’éléphant» est le thème et karada, «le corps», est le sujet de nari, la copule, dai, «grand» est l’attribut. «Le corps de l’éléphant est grand» se dirait zô no karada [wa] dai nari, la particule no ayant une fonction génitive.
En français, le thème marqué par wa peut correspondre et être traduit par un sujet ou un complément d'objet. Kanaya donne les exemples suivants :
tsuki wa izu. En ce qui concerne la lune, elle sort > la lune sort. «La lune» (tsuki) se trouve en position de sujet.
Tsuki wa nagamu. En ce qui concerne la lune, on la regarde > on regarde la lune. «La lune» se trouve en position de complément d'objet.
La thèse de Kanaya est d’une lecture aisée. Takehiro Kanaya a été directeur du programme de langue japonaise au Centre d'études de l'Asie de l'Est de l'Université de Montréal.
À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les Japonais ont adopté une présentation calquée sur les grammaires occidentales et parlent communément d’une structure sujet (shugo)-prédicat (jutsugo) comme si celle-ci était universelle et s’appliquait également à leur langue. En japonais, un prédicat peut être un verbe, un adjectif, un verbe adjectival ou une copule.
Kanaya explique que cette structure binaire est inopérante pour décrire la phrase japonaise. Le prédicat se suffit à lui seul pour créer une unité de sens, par exemple yomu. Dans cette proposition constituée du seul verbe yomu, «lire» conjugué à la forme conclusive, le sujet n’est pas omis (soustrait), même s’il est nécessaire d’ajouter en français un sujet indispensable à la compréhension de la phrase. Yomu sera alors traduit par «je lis» ou «il lit». L’apport de Tanaya est de montrer que toutes les autres unités de la phrase ne sont que des compléments du prédicat, y compris le sujet.
Appréhender la phrase japonaise de cette façon permet de mieux comprendre le rôle de la particule wa, souvent interprétée à tort comme la marque du sujet (dans la langue classique). Si j’écris zenji wa yomu, une traduction immédiate s’ensuit «le maître zen lit», mais cette reconstruction signifiante en français ne correspond nullement à une hypothétique structure sujet-prédicat en japonais.
Wa ne marque pas le sujet mais le thème de la phrase que l’on pourrait rendre par une formule comme «quant à, s’agissant de, concernant». La thème occupe également une fonction de complément du prédicat.
La différence entre thème et sujet peut être compris avec une phrase qui comporte à la fois un thème et un sujet, par exemple : zô wa karada dai nari, lit. «quant à [l’]éléphant, [son] corps est grand». Zô, «l’éléphant» est le thème et karada, «le corps», est le sujet de nari, la copule, dai, «grand» est l’attribut. «Le corps de l’éléphant est grand» se dirait zô no karada [wa] dai nari, la particule no ayant une fonction génitive.
En français, le thème marqué par wa peut correspondre et être traduit par un sujet ou un complément d'objet. Kanaya donne les exemples suivants :
tsuki wa izu. En ce qui concerne la lune, elle sort > la lune sort. «La lune» (tsuki) se trouve en position de sujet.
Tsuki wa nagamu. En ce qui concerne la lune, on la regarde > on regarde la lune. «La lune» se trouve en position de complément d'objet.
La thèse de Kanaya est d’une lecture aisée. Takehiro Kanaya a été directeur du programme de langue japonaise au Centre d'études de l'Asie de l'Est de l'Université de Montréal.
Imprimer | Articlé publié par Jiun le 10 Mai 14 |