Le Grand Véhicule désigne une doctrine et un mouvement, il s’agit du Véhicule des bodhisattva. Mais, pour en comprendre réellement la portée, il convient, disent tous les textes, de dépasser cette première acception, trop superficielle encore, et d’exposer le sens profond du mot «grand».

«Grand» n’est pas une simple qualification, il s’agit d’une vocation à vivre dans l’authenticité. Qui s’exerce au Grand Véhicule déploie simplement son cœur. La grandeur est un sentiment inépuisable tout à la fois de force, de confiance, de douceur et de bonté, de tendresse aussi. Adopter ce mot de «grand» est comme une manière de rassembler toutes ces attitudes sous un seul vocable. Il ne s’agit évidemment pas de simples attitudes intérieures mais de tous les gestes inouïs et résolus de l’amour. Le Grand Véhicule, en tant que corps doctrinal ou corpus de textes, n’invite qu’à sonder, éprouver, vivifier ce sentiment de grandeur.

«Grand» est la parole vive par excellence, car la grandeur vient de la vie et va à la vie. «Grand» n’a pas le sens de haut, mais celui de vaste et de large. La grandeur n’est pas une abstraction mais un art de vivre. Dans la tradition de l’éveil (le bouddhisme), «grand» exprime que tout commence et que tout finit, ici, dans l’expérience la plus triviale, la plus ordinaire de notre condition. Nous avons toujours des idées et des idéaux sur ce qu’est ou ce que devrait être la réalité, mais nous devons aller plus loin, faire un pas supplémentaire, vers l’ici-même, dans la réalité. Nous y installer, ou plutôt, puisque nous y sommes déjà, nous y réinstaller, mais autrement, pour de bon. La grandeur, c’est déjà simplement commencer par mesurer que nous avons un corps, que nous sommes un corps. Parfois, on pense être comme une âme emprisonnée, nous aimerions pouvoir nous détacher des humeurs, des dérèglements, des limitations de cette enveloppe corporelle, pour vivre dans les espaces illimités de l’esprit qui peut tout imaginer, tout penser. Mais la grandeur n’est pas là. La grandeur ne consiste pas à nous abstraire de ce monde, de ce corps que nous avons, mais à reconnaître que nous sommes, de part en part, toutes ces humeurs, ces dérèglements et ces limitations. Nous devons non seulement les reconnaître, mais les éprouver. Nous nous croyons emprisonnés, nous pensons qu’il nous faudrait quitter ce corps-ci et ce mental-ci, mais que serions-nous une fois dépouillés de toutes ces gangues corporelles et mentales ? Absolument rien. Car notre existence ne s’accomplit que dans ce corps et ce mental. Et nulle part ailleurs.

Les mains jointes.


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