Les mots du Zen : kannô dôkô, 感應道交, "la résonance d'une sensibilité et d'une réponse", autrement dit l'adéquation de l'œuvre des Bouddhas.

Nous sommes les humbles interprètes des paroles de l’Éveillé au cœur de nos vies. Plus nous les ressentons, plus nous ressentons notre engagement dans la vie. Nous n’avons d’autre possibilité que de les interpréter dans l’actualité de ce monde : il nous faut aussi répondre avec hardiesse aux questionnements, aux détresses et aux peines du temps. Les bouddhas et les bodhisattvas ont une habilité à parler et à agir, elle révèle leur souci constant de répondre à chaque situation en s’ajustant à la particularité et à la sensibilité de chacun. Nous ne pouvons évidemment faire du bouddhisme à l’Orientale, répéter à l’identique de doctes commentaires comme si rien n’avait changé autour de nous depuis des siècles. Tout est à recommencer. Tout est à reprendre. Tout est à risquer. Les chants nouveaux qui jailliront de nos poitrines, les formulations qui résonneront dans nos cœurs seront nécessairement autres, et pourtant ils seront l’expression la plus authentique du dharma. L’interprétation n’est pas l’adaptation. L’interprétation préserve le caractère référentiel du dharma alors que l’adaptation l’abandonne ou même le rejette. La pratique de la méditation dans d’autres cadres qu’ils soient thérapeutiques, religieux, spirituels (la méditation bouddhiste est aujourd’hui pratiquée et enseignée par des chrétiens dans un renouvellement de leur vie spirituelle) relèvent d’une adaptation. L’interprétation préserve, elle, cette résonance particulière entre la sensibilité des êtres et la réponse des bouddhas et des bodhisattvas. Le dharma fleurira en Occident pour autant que de nouveaux bouddhas et bodhisattvas seront capables de répondre avec délicatesse et affection aux besoins des êtres, à leurs systèmes de pensée, de se vivre et de vivre le monde. Même si l’humain garde son universalité par-delà les siècles et les cultures, qu’il connaisse hier comme aujourd’hui la joie et la peine, la douceur et la détresse, nos égarements sont aussi singuliers, liés à nos contextes de vie. Les temps modernes ont leurs grandeurs et leurs faillites. Nous avons intégrés de nouveaux modes d’addiction et d’aveuglement. Individuellement et collectivement, la peur et l’impuissance nous étreignent. La violence nous gagne. Ces maladies requièrent de nouvelles médications. Comment vivre au plus près d’un monde qui vient ? Adopter l’enseignement du Bouddha ne signifie pas reproduire les formes que les traditions bouddhistes ont pu prendre ici ou là, au gré des influences culturelles et de l’histoire de chaque pays, mais simplement d’entendre sa méthode, une réponse toujours renouvelée, inventive et créative, aux besoins des êtres, dans un dialogue constant et engagé avec ce monde.

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