Contre l'échec du tous propriétaires
Une belle tribune qui mérite d'être relayée de Julien Bayou, Emmanuelle Cosse, Cécile Duflot et Augustin Legrand parue hier dans Rue 89 (reproduit selon leurs conditions de reproduction).
31 000 euros. C'est le prix record au mètre carré d'une future résidence de luxe à Paris, sur le site de l'ancien hôpital Laënnec. A ce prix, bien évidemment, la grande majorité des ménages français n'y auront jamais accès.
Alors qu'il manque près d'un million de logements en France, le contraste est frappant. Comment un programme immobilier peut-il être autant en décalage avec les besoins des millions de personnes touchées par la crise du logement ? Voilà où nous mène le mirage du « tous propriétaires ».
C'est en 2007 que Nicolas Sarkozy réactive ce vieux marqueur idéologique de la droite, digne du meilleur syllogisme électoral. Puisque les Français sont très mal logés et redoutent légitimement des lendemains difficiles, proposons-leur de tous devenir propriétaires, quel qu'en soit le prix ! Le candidat Sarkozy proposait même d'instituer des subprimes à la française, riche idée !
Le « tous propriétaires » appartient à une logique ultra libérale et, à l'exemple du « travailler plus pour gagner plus », renverse la charge du logement sur l'individu uniquement – à lui de s'endetter, de travailler plus, de se chauffer moins pour faire des économies. Face à l'explosion des prix immobiliers, les ménages qui peuvent encore suivre le font au prix d'importants sacrifices et d'un surendettement généralisé.
La propriété, un non-sens économique
Mythe libéral, la propriété pour tous est pourtant un non-sens économique, bien peu en phase avec les besoins de notre époque. Pourquoi s'endetter à vie pour un logement que l'on est souvent amené à quitter pour répondre aux exigences de mobilité des carrières d'aujourd'hui ?
Plus, les bulles immobilières absorbent massivement l'épargne des ménages dans des investissements faiblement productifs et peu innovants, la détournant pour longtemps d'autres investissements plus judicieux sur le plan économique. La rente immobilière constitue en effet un poids mort pour l'économie.
Pire, la propriété comme objet central de l'action publique est devenue le leurre d'un système inégalitaire, socialement injuste. Déjà en 2006, avant la crise, les 10% les plus riches possédaient plus de 50% du parc immobilier, quand les 50% les plus pauvres n'en détenaient pas 10%.
Fondée sur le mythe de la pierre comme immuable investissement, au fondement d'une bulle spéculative en voie d'éclatement, l'accession à la propriété risque au bout du compte de se transformer en piège pour de nombreux propriétaires en difficultés. Incapables de payer des charges exponentielles et de revendre leur bien pour profiter d'un illusoire parcours résidentiel, certains se retrouvent comme « enfermés » dans leur propre logement. En témoigne la multiplication des copropriétés dégradées, qui représente aujourd'hui une véritable bombe à retardement pour leurs millions d'habitants.
Contre l'impossible « tous propriétaires », le « tous habitants »
Comment le gouvernement entretient-il un tel cycle infernal ? A coups de dispositifs de défiscalisation plus coûteux les uns que les autres, ces logements « Robien » ou « Scellier » qui encouragent la spéculation immobilière en permettant à ceux qui peuvent déjà acheter de le faire à moindre coût.
En abandonnant l'obsession idéologique de l'accession à la propriété, et en reconnaissant l'utilité sociale du parc locatif, les écologistes proposent de réorienter nos politiques vers le « bien loger » et la qualité de l'habitat pour tous. Réaffirmons le logement comme un droit fondamental et faisons-en l'objet d'un engagement prioritaire de la puissance publique. Nous ne pourrons pas être tous propriétaires, soyons tous habitants !
Pour cela les écologistes ont deux priorités : faire baisser les prix et protéger les locataires. Les solutions existent, il faut simplement se donner les moyens de les mettre en œuvre, et bien sûr commencer à construire massivement. Mais nous devons surtout changer de logique.
Les Allemands l'ont bien compris. Ils ne sont guère plus de 40% à posséder leur logement, contre 58% en France, et les locataires jouissent d'un statut juridique très protecteur et de loyers solidement encadrés. Résultat : le logement y est deux fois moins cher en moyenne qu'en France. Et si être locataire n'était pas une malédiction mais la réponse à la crise du logement ?
L'écologie propose ainsi le renversement du paradigme individualiste, qui enferme le logement dans une vision purement commerciale et financière, pour lui redonner toute sa dimension humaine et sociale. Réaffirmant l'accès à un habitat de qualité comme une condition incontournable à l'épanouissement personnel et collectif, les écologistes entendent faire du logement un objectif universel et prioritaire de l'action publique et du vivre ensemble.
Par Julien Bayou, co-fondateur de Jeudi Noir ; Emmanuelle Cosse, vice présidente au conseil régional d'Ile-de-France en charge du logement, de l'habitat et du renouvellement urbain ; Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts et Augustin Legrand, fondateur des Enfants de Don Quichotte.
31 000 euros. C'est le prix record au mètre carré d'une future résidence de luxe à Paris, sur le site de l'ancien hôpital Laënnec. A ce prix, bien évidemment, la grande majorité des ménages français n'y auront jamais accès.
Alors qu'il manque près d'un million de logements en France, le contraste est frappant. Comment un programme immobilier peut-il être autant en décalage avec les besoins des millions de personnes touchées par la crise du logement ? Voilà où nous mène le mirage du « tous propriétaires ».
C'est en 2007 que Nicolas Sarkozy réactive ce vieux marqueur idéologique de la droite, digne du meilleur syllogisme électoral. Puisque les Français sont très mal logés et redoutent légitimement des lendemains difficiles, proposons-leur de tous devenir propriétaires, quel qu'en soit le prix ! Le candidat Sarkozy proposait même d'instituer des subprimes à la française, riche idée !
Le « tous propriétaires » appartient à une logique ultra libérale et, à l'exemple du « travailler plus pour gagner plus », renverse la charge du logement sur l'individu uniquement – à lui de s'endetter, de travailler plus, de se chauffer moins pour faire des économies. Face à l'explosion des prix immobiliers, les ménages qui peuvent encore suivre le font au prix d'importants sacrifices et d'un surendettement généralisé.
La propriété, un non-sens économique
Mythe libéral, la propriété pour tous est pourtant un non-sens économique, bien peu en phase avec les besoins de notre époque. Pourquoi s'endetter à vie pour un logement que l'on est souvent amené à quitter pour répondre aux exigences de mobilité des carrières d'aujourd'hui ?
Plus, les bulles immobilières absorbent massivement l'épargne des ménages dans des investissements faiblement productifs et peu innovants, la détournant pour longtemps d'autres investissements plus judicieux sur le plan économique. La rente immobilière constitue en effet un poids mort pour l'économie.
Pire, la propriété comme objet central de l'action publique est devenue le leurre d'un système inégalitaire, socialement injuste. Déjà en 2006, avant la crise, les 10% les plus riches possédaient plus de 50% du parc immobilier, quand les 50% les plus pauvres n'en détenaient pas 10%.
Fondée sur le mythe de la pierre comme immuable investissement, au fondement d'une bulle spéculative en voie d'éclatement, l'accession à la propriété risque au bout du compte de se transformer en piège pour de nombreux propriétaires en difficultés. Incapables de payer des charges exponentielles et de revendre leur bien pour profiter d'un illusoire parcours résidentiel, certains se retrouvent comme « enfermés » dans leur propre logement. En témoigne la multiplication des copropriétés dégradées, qui représente aujourd'hui une véritable bombe à retardement pour leurs millions d'habitants.
Contre l'impossible « tous propriétaires », le « tous habitants »
Comment le gouvernement entretient-il un tel cycle infernal ? A coups de dispositifs de défiscalisation plus coûteux les uns que les autres, ces logements « Robien » ou « Scellier » qui encouragent la spéculation immobilière en permettant à ceux qui peuvent déjà acheter de le faire à moindre coût.
En abandonnant l'obsession idéologique de l'accession à la propriété, et en reconnaissant l'utilité sociale du parc locatif, les écologistes proposent de réorienter nos politiques vers le « bien loger » et la qualité de l'habitat pour tous. Réaffirmons le logement comme un droit fondamental et faisons-en l'objet d'un engagement prioritaire de la puissance publique. Nous ne pourrons pas être tous propriétaires, soyons tous habitants !
Pour cela les écologistes ont deux priorités : faire baisser les prix et protéger les locataires. Les solutions existent, il faut simplement se donner les moyens de les mettre en œuvre, et bien sûr commencer à construire massivement. Mais nous devons surtout changer de logique.
Les Allemands l'ont bien compris. Ils ne sont guère plus de 40% à posséder leur logement, contre 58% en France, et les locataires jouissent d'un statut juridique très protecteur et de loyers solidement encadrés. Résultat : le logement y est deux fois moins cher en moyenne qu'en France. Et si être locataire n'était pas une malédiction mais la réponse à la crise du logement ?
L'écologie propose ainsi le renversement du paradigme individualiste, qui enferme le logement dans une vision purement commerciale et financière, pour lui redonner toute sa dimension humaine et sociale. Réaffirmant l'accès à un habitat de qualité comme une condition incontournable à l'épanouissement personnel et collectif, les écologistes entendent faire du logement un objectif universel et prioritaire de l'action publique et du vivre ensemble.
Par Julien Bayou, co-fondateur de Jeudi Noir ; Emmanuelle Cosse, vice présidente au conseil régional d'Ile-de-France en charge du logement, de l'habitat et du renouvellement urbain ; Cécile Duflot, secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts et Augustin Legrand, fondateur des Enfants de Don Quichotte.
Mots-clés : économie, engagement, politique
Imprimer | Articlé publié par Jiun Éric Rommeluère le 07 Mars 11 |