Chers amis,

Comme certains d’entre vous le savent, je vis depuis quelques semaines déjà dans un petit ermitage en ville au Mans (département de la Sarthe, ancienne province du Maine). Des écureuils et une multitude d’oiseaux dont j’ignore le nom sont mes voisins immédiats.

Je voudrais approfondir le désencombrement et le délaissement. Aujourd’hui, je me sens de plus en plus inspiré par la dévotion du maître japonais Jiun sonja. En 1758, ce moine abandonna ses différentes charges et obligations pour se retirer dans une hutte sur le Mont Ikoma, près d’Ôsaka. À ce moment de sa vie, il lui semblait nécessaire de vivre plus profondément encore en accord avec le dharma. Il nomma le lieu Sôryûan, « l’Ermitage des deux dragons » (car il y avait déposé la statue d’un Bouddha protégé par un couple de dragons). Il y demeura treize ans. Il ne s’agissait pas d’une réclusion. Nombre de ses disciples venaient le visiter et lui-même voyagea occasionnellement.

Aujourd’hui, mon emploi du temps habituel est le suivant :
6 h – 8 h : méditation
18 h – 20 h : méditation
Le reste du temps, étude du dharma ou écriture.
Premier et troisième dimanche du mois : rituel d’offrande aux êtres affamés
Deuxième et quatrième dimanche du mois : rituel de renouvellement des préceptes de bodhisattva

La porte de l’ermitage est toujours ouverte et tous ceux qui le souhaitent peuvent venir, même quelques heures. Je vous demanderai simplement de suivre le programme quotidien. Dans les semaines prochaines, j’étudierai plus particulièrement quelques textes essentiels du bouddhisme : Le Sûtra du Lotus, Les Sermons sur les dix préceptes de bien (Jûzen hôgo) de Jiun sonja (1718-1804) ; Les normes du vêtement bouddhiste (Hôbuku kakushô) de Mokushitsu Ryôhô (1775-1833) qui fut longuement médité par le moine Sawaki Kôdô.

Ne venez pas sans me prévenir, car il peut toujours y avoir des impondérables. Nous pouvons méditer à trois, quatre personnes, et s’il y a plus de monde, nous irons dans un parc. La règle veut qu’on offre un don, mais il vous appartient de décider si vous voulez soutenir ou non cette pratique.

L’adresse : 58 rue Armand Saffray 72000 Le Mans. Le Mans est à 54 minutes de Paris en TGV. Si vous souhaitez rester plusieurs jours, il y a des chambres d’hôtes pas très chères en ville. Très exceptionnellement, il est possible de dormir sur place.

Cet été, nous aurons notre retraite annuelle au Moulin de Vaux. La première session de sept jours sera consacrée à l’étude de « la matière de la Grandeur » (le corpus des grands livres du Grand Véhicule, Les différents Sûtras de la Sagesse, le Sûtra du Diamant, le Sûtra du Lotus, le Sûtra de Vimalakîrti, etc.). La seconde session de sept jours sera exclusivement dédiée à la méditation et se déroulera dans le silence complet. J’espère vous y retrouver.

Plusieurs personnes m’ont demandé de recevoir cet été les préceptes de bodhisattva (le pratiquant du Grand Véhicule, je préfère dire le disciple de la Grandeur). Depuis trois ans maintenant, j’ai cessé d’offrir ces préceptes car je trouve que l’enjeu de cette ordination reste généralement mal compris. À la place, j’ai proposé la prise de refuge où l’on témoigne de sa confiance dans la voie du Bouddha. Au cours de ces trois dernières années, de nombreux étudiants ont pris refuge, ce qui fut et ce qui reste une immense joie. L’insistance récente de ces personnes a cependant ravivé mon questionnement. Car, malgré tout, recevoir les préceptes reste à mes yeux, un outil puissant dans cette voie.

Vivre en bodhisattva n’a rien à voir avec participer à un groupe de méditation, écouter les leçons d’un enseignant, ou ce genre de choses. L’ordination ne signe pas l’appartenance à un groupe ou une association. S’engager dans ce chemin implique une volonté inébranlable à ne plus se laisser guider par les compromis, les faux-semblants, à renoncer à négocier avec ses propres mesquineries, à délaisser la séduction et la peur. Le bodhisattva s’engage à prendre soin du monde, non dans les salons mais dans la boue. Il n’aura jamais de diplôme ou de reconnaissance. Le chemin est nécessairement éprouvant et périlleux. Celui qui s’y risque ne pourra plus vivre comme à l’ordinaire. Tout doit être brisé et consumé.

Je ne peux qu’encourager et tout à la fois dissuader ceux qui m’ont sollicité. Je sais, c’est une contradiction. Je conseille aux personnes qui m’ont sollicité de s’interroger encore et encore et je laisse ouverte la possibilité de prendre ces préceptes. That’s up to you. Je vous remercie.


Quelques photos de l'ermitage.







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